Vraiment découvert grâce à Radio France quand il avait participé le 27 mai dernier à l’émission « Génération France Musique » enregistrée en direct le samedi, le contre-ténor Luan Góes avait impressionné le public par l’ampleur de sa voix et la richesse de son timbre particulièrement velouté. Comme à l’accoutumée, il dirigeait, tout en chantant, son ensemble Les Furiosi Galantes. Capable d’infinies nuances ainsi que d’un dramatisme et d’une puissance pour le moins rare chez un contre-ténor, il était ce jour-là le partenaire idéal de la contralto italienne Sonia Prina, célèbre pour ses interprétations de musique baroque italienne (de Vivaldi en particulier) et d’opéras de Rossini (en particulier à la Scala et au Festival de Glyndebourne). Puis ce fut le concert au Château d’Aoste en juillet où Luan Góes subjugua un public pourtant peu accoutumé à la musique classique (quelle présence en scène !). Son histoire mérite d’être racontée. Luan est brésilien. Après des années à la Maîtrise de Rio de Janeiro, le Théâtre Municipal de la ville l’avait engagé dans La Flûte Enchantée et dans le rôle-titre d’Amahl et les Visiteurs de la Nuit de Menotti. En 2012, les deux facteurs d’orgue français, alors en charge de l’installation du nouvel orgue de la cathédrale de Rio, l’entendent dans l’église baroque de la « Glória » qui domine la baie et alertent l’attaché culturel de l’ambassade de France. Un concert est aussitôt organisé pour récolter des fonds et lui permettre d’aller étudier à Paris. D’abord boursier à l’École Normale, Luan étudie ensuite à la Haute École de Genève avec Nathalie Stutzmann, qui lui enseigne une technique solide et avec qui sa voix se développe de manière impressionnante. Puis c’est la rencontre essentielle avec le contralto Sonia Prina dont l’enseignement sera déterminant dans son évolution. Luan Góes, désireux de toujours progresser, a trouvé là son mentor.
Le disque, paru le 16 février dernier chez Indésens Calliope, intitulé « Dolce Pupillo » (cher disciple), raconte cette histoire, à travers une sélection d’œuvres du XVIIe siècle italien, à une époque où la relation de maître à disciple était particulièrement étroite (on la retrouve dans l’alternance des plages). Le disque, remarquablement conçu et passionnant musicalement, donne une juste idée de ce que peut être un concert des Furiosi Galantes avec ses deux chanteurs solistes. Il commence par une sorte de feu d’artifice où fusent, dans la voix du contre-ténor, les périlleuses vocalises de l’air de Nicola Porpora extrait de son opéra Germanico in Germania (très peu enregistré) suivi par la lamentation poignante de l’oratorio Giuditta d’Alessandro Scarlatti interprétée par Sonia Prina. Particulièrement saisissant est « l’air du froid » extrait de l’opéra Farnace de Vivaldi (genre familier de l’époque baroque comme, trente ans auparavant, celui de Purcell), qui reprend ici le thème de l’hiver de ses Quatre Saisons. L’orchestre y est un partenaire idéal, particulièrement théâtral. Vivaldi était très proche de Giovanni Legrenzi dont le duo extrait de l’opéra Il Giustino (1683), petite merveille, est une première mondiale au disque, tout comme le duo de Giovanni Bononcini « Se t’aborro e la tua morte » qui achève brillamment le disque. Ce CD bénéficie de la prise de son de Michel Pierre et Etienne Collard, anciens partenaires réguliers de Nathalie Stutzmann à la Warner. Luan Góes sera en concert à la tête des Furiosi Galantes à l’église de Saint Louis en l’Île à Paris (75004) le vendredi 8 mars à 20h.