UT queant laxis, REsonare fibris, Mira gestorum, etc. : le nom des notes occidentales (enfin, sauf dans les pays qui préfèrent les appeler A, B, C…) vient de l’Hymne à saint Jean-Baptiste. Apparemment, le bon moine Guido d’Arezzo, qui eut au XIe siècle l’idée de donner une valeur musicale à la première syllabe de chaque vers d’un poème de Paul Diacre, était animé d’un souci pédagogique car c’est pour aider les enfants à apprendre la musique qu’il aurait conçu ce système.
A partir des années 1970, le Suisse Denis Magliocco a toujours utilisé la musique dans sa pratique de l’enseignement, auprès d’enfants et d’adolescents, mais également pour la formation de ses collègues. Son approche de la musique est résolument spirituelle, et tous les lecteurs n’adhéreront pas forcément aux conceptions très particulières qu’il expose dans le très épais volume que vient de publier l’éditeur helvète La Bibliothèque des Arts.
Etudiant le nom de chaque note, Denis Magliocco s’appuie sur l’étymologie la plus lointaine ; il s’intéresse à la numérologie et examine la relation symbolique entre les notes et les couleurs, dans le prolongement des travaux d’Olivier Messiaen ou de la peinture musicaliste de Charles Banc-Gatti (180-1966). En voici un exemple : « Par l’ordre analogique des couleurs prismatiques, Mi se pare de jaune. Multiple dans sa manifestation physique, I en tant que miroir de l’Unité et de l’amour universel, Mi relie le microcosme au macrocosme […] Mi se retrouve en milan (oiseau consacré à Apollo), mica (associé au jade, nourriture d’immortalité en Chine), miel (symbole de connaissance et de sagesse), mitre (coiffe solaire de l’évêque) et mimosa (fleur de lumière) ». Mais il donne à chaque fois des exemples musicaux précis, empruntés à toutes sortes d’œuvres, de tous styles et de toutes époques, et s’appuie sur de solides connaissances en harmonie, ainsi que sur les travaux de musicologues mais aussi de biophysiciens ou de médecins.
Au cœur de sa théorie, la valeur solaire de la note Sol. Après avoir présenté chacune des notes de la gamme, il se penche sur les rapports qu’elles entretiennent entre elles (une centaine de pages sur la « tierce d’appel mi-sol » chez Mozart). L’ouvrage propose en deuxième partie un parcours chronologique, depuis le XIe siècle jusqu’à Bach (soixante pages sur Vivaldi, une centaine de pages sur le Cantor), avec de nombreux extraits d’opéras et de cantates, rapprochant la création musicale de la production des beaux-arts aux mêmes époques. Très richement illustré, le volume puise ses images dans tous les registres : chefs-d’œuvre de l’art occidental de la préhistoire à nos jours, créations d’artistes aborigènes, œuvres naïves, dessins d’enfants, photographies d’animaux, de paysages ou d’êtres humains, cases extraites de bandes dessinées, photogrammes tirés de films, drapeaux nationaux, pochettes de disques, couvertures de livres, affiches publicitaires, produits commercialisés (déodorant, shampooing),
Certaines réflexions ne laissent pas que d’étonner : « Il n’est pas indispensable qu’une cloche soit en action pour reconnaitre son hermaphrodisme. L’observation de sa robe d’airain en contre-plongée met en évidence ses attributs féminin et masculin ». Néanmoins, tous seront d’accord avec ses conclusions : la musique a toute sa place dans les établissements scolaires, tant son écoute que sa pratique, en dehors de toute évaluation quantifiée.