« Molieri » : un hommage opératique à Jean-Pastiste Poquelin, génie que le monde envie à la France ? Rien de cela, il s’agit tout simplement de la contraction des noms de Mozart et de Salieri, les deux compositeurs auxquels Adam Plachetka a choisi de rendre hommage pour son premier récital chez Pentatone.
Né à Prague, le baryton-basse y a débuté sa carrière il y a plus d’une quinzaine d’années, avant de rejoindre la troupe de l’Opéra de Vienne. Désormais régulièrement invité sur les plus prestigieuses scènes internationales, il a fait ses débuts à l’Opéra de Paris en 2018 dans La Cenerentola.
Au cours de ses années pragoises, Plachetka a pu approfondir sur scène les principaux rôles du répertoire mozartien, en particulier ceux de la trilogie da Ponte. Côté Mozart, c’est exclusivement à ces derniers – si l’on exclut une aria de La Finta Giardiniera – qu’est consacré l’album « Molieri ». Côté Salieri, les arias présentées sont moins connues, sans qu’aucune ne soit inédite au disque pour autant. N’eut-il pas été plus intéressant d’inclure quelques œuvres moins familières de Mozart (comme la Finta Semplice ou des airs de concert), et de puiser plus profondément dans le répertoire lyrique encore largement inexploré de Salieri ? En ce sens, l’album « Zauberoper » qu’a consacré tout récemment le baryton Konstantin Krimmel au Theater auf der Wieden était autrement exaltant.
© Ilona Sochorová
Don Giovanni, Falstaff et Axur en majesté
Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir. La voix ample, souple et profonde d’Adam Plachetka fait forte impression tout au long du disque. Très à l’aise dans l’aigu, comme en témoigne la fin joliment ornementée de l’aria du Comte dans les Noces de Figaro, le baryton-basse porte une attention toute particulière à la caractérisation des personnages, évitant tout sentiment d’ennui. Il n’y a qu’à écouter pour s’en convaincre son Falstaff, dont la fin de l’aria « Nell’impero di Cupido », entre falsetto et éclats de rire, est irrésistible.
Tout au long du programme, on trouve le chanteur plus à son avantage dans les rôles autoritaires que dans le répertoire buffo. Son Don Giovanni a fière allure et les deux arias de fureur extraites de l’Axur de Salieri, points culminants du disque, le montrent au sommet de ses capacités, investi sans noyer l’émission ni la prononciation dans la précipitation.
L’accompagnement sur instruments d’époque du Czech Ensemble Baroque est impeccable. Précision, lisibilité et couleurs sont au rendez-vous, tandis que dans les récitatifs accompagnés, le chef Roman Válek insuffle une belle tension. Peut-être manque-t-il toutefois un brin de folie, notamment dans l’ouverture des Nozze di Figaro, dont on a déjà entendu des versions plus trépidantes. Par ailleurs, le fait d’assurer le continuo au clavecin, qui nous paraît enregistré de très loin, étonne un peu pour des œuvres datant majoritairement de la fin du XVIIIe siècle. En dépit de l’excellence de l’exécution, on ne peut s’empêcher de penser qu’un pianoforte se serait avéré plus approprié.
Au final, ce « Molieri » constitue une belle carte de visite pour un chanteur dont la carrière semble prendre son envol. Pour éprouver le grand frisson, un peu plus de folie et de piquant aurait toutefois été nécessaire, que ce soit dans le programme ou dans l’interprétation.