Encore un récital Haendel, dira-t-on, alors que sous le même titre Handel in Italy paraissait il y a peu chez Glossa une sélection d’airs interprétés par Roberta Invernizzi, tirés des cantates composées par le Teuton durant son séjour italien. Sur le présent disque, on ne trouve aussi que des œuvres composées vers 1707-1708, mais aux cantates pour soprano solo s’ajoutent une pièce sacrée et des airs tirés d’oratorios ou de cantates à deux voix, sans oublier trois intermèdes instrumentaux, parfois tirés de cantates dont on n’entendra pas ici une seule note chantée. Il aurait sans doute été possible de se passer du désormais célèbre « Lascia la spina », plus tard recyclé en « Lascia ch’io pianga ».
Depuis quelques années, Lucy Crowe séduit le public parisien à chaque apparition. En janvier 2010, elle faisait partie de la distribution de l’inoubliable Fairy Queen de Glydebourne donnée à l’Opéra-Comique ; en novembre 2010, elle triomphait en Dorinda dans l’Orlando de Haendel au Théâtre des Champs-Elysées. Et quand on pense à ce dont Lucy Crowe est capable sur scène, on ne peut que s’affliger de l’entendre paralysée, réfrigérée par ce disque où, au lieu d’être soutenue par William Christie ou Emmanuelle Haïm, elle doit lutter contre la mollesse extrême de Harry Bicket à la tête de The English Concert. Les morceaux lents semblent dénués de toute intensité, les passages rapides manquent de mordant. Comment peut-on enregistrer un programme exclusivement composé d’œuvres du jeune Haendel alors qu’on est à ce point dépourvu d’italianità ? Alors qu’on se réjouissait d’entendre la soprano anglaise dans son répertoire d’élection, l’écoute de ce disque tourne vite au pensum : sons filés dénués de vie, Salve Regina sans âme…
A d’autres moments, la chanteuse déploie pourtant tous ses charmes sensuels et toutes ses ressources expressives. Sollicitée jusque dans l’extrême grave pour Armida abbandonata, la voix se pare de couleurs variées selon les morceaux, devenant plus sombre pour Alpestre monte,plus véhémente pour Clori, Tirsi e Fileno. L’air de l’Ange dans La Resurrezione, par sa folle virtuosité, nous tire de la somnolence où risquait de nous plonger ce disque. Ce numéro de haute voltige, où Lucy Crowe s’autorise toutes sortes d’incursions dans le suraigu, laisse entrevoir ce qu’aurait pu être ce récital, qui se termine sur la pointe des pieds, avec un air très court soutenu par des pizzicatos. Pour vraiment apprécier le talent de la soprano britannique, attendons un DVD qui nous la montrera dans un cadre autrement valorisant, l’Orlando cité plus haut, peut-être…
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Il caro Sassone: Handel in Italy | Georg Friedrich Händel par Lucy Crowe