Après sa thèse relative à Bach, André Pirro avait succédé à Romain Rolland à la chaire d’histoire de la musique de la Sorbonne. Son œuvre musicologique couvre toute la musique ancienne jusqu’au XVIIIe siècle et nombre de ses ouvrages conservent leur pertinence. Voila que ressort, à la faveur du prochain 350e anniversaire de la disparition du compositeur, l’étude qu’il a consacrée à Schütz, sortie dans la collection « Les maîtres de la musique », que publiait la Librairie Félix Alcan il y a un siècle.
Les collections concurrentes et complémentaires alors réalisées chez Alcan et chez Rieder regorgent de trésors, signées par d’incontournables connaisseurs, souvent illustres. Tombés dans le domaine public, certains titres avaient été réédités en fac-simile (Les Introuvables, dans les années 70). Ces « Introuvables » le sont devenus et il est opportun de publier de nouveau les plus intéressants d’entre eux, au prix d’une soigneuse révision, d’un enrichissement prenant en compte les fruits d’un siècle supplémentaire de recherches. Or, rien ne signale (*) qu’il s’agit d’un ouvrage publié en 1924, tout laissant à penser au lecteur peu informé qu’il s’agit d’une contribution contemporaine. Si les collections, de façon générale, comportent une inégalité de traitement entre les ouvrages qui la composent, nous atteignons le comble dans cette série contemporaine de plus de 90 titres, frisant ici l’imposture par la désinvolture de l’éditeur. Dommage, car à côté d’ouvrages d’une rare pertinence, appelés à faire référence, la réédition (non avouée) d’écrits datant d’un siècle – que l’on fait semblant d’actualiser par la mise en page, les illustrations, quelques ajouts grotesques à la bibliographie et moins de deux pages de discographie – nous laisse pantois, et en colère, car c’était là l’occasion de s’appuyer sur un texte de grande qualité pour écrire un ouvrage appelé à poser un jalon dans la connaissance de Schütz.
Cette publication ne se distingue de l’édition originale que sous deux aspects. Les notes de bas de page de Pirro sont reproduites, allégées, en marge du texte. Par ailleurs, seule l’iconographie, soigneusement choisie, renouvelle le propos. C’est vraiment peu. Maquillage plus qu’actualisation avec une réelle mise à jour. Ainsi, c’est l’édition de l’œuvre de Schütz par Spitta (7 volumes, en 1885), totalement obsolète, introuvable en dehors de rares bibliothèques, qui est signalée (« Catalogue des oeuvres », reprise textuelle de Pirro), alors que deux éditions monumentales, critiques, ont vu le jour depuis. Il en va de même de la bibliographie (abusivement dénommée « sélective »), qui reprend textuellement celle de 1924, savante et comportant des ouvrages introuvables, d’autres dépassés, avec quelques insertions d’ouvrages en français (tous publiés par…Bleu nuit, en dehors de l’intéressante contribution de Roger Tellart, chez Seghers), méconnaissant totalement les références actuelles.
Réédition bâclée, réalisée sans aucune des précautions indispensables à une actualisation pertinente, elle ne vaut que pour le texte de Pirro, que l’on pourra trouver à bon compte chez les bouquinistes, ou dans sa réédition des années 70. Sinon, aller chez Fayard pour acquérir l’ouvrage de référence en français, signé Martin Gregor-Dellin (étrangement omis dans la bibliographie sélective).
(*) sinon trois lignes en petits caractères et en italique au bas du dos de la couverture, qui présentent André Pirro, sans toutefois mentionner la date d’édition.