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BEETHOVEN, Intégrale des symphonies

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CD
15 juillet 2024
A boire et à manger

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Ludwig Van Beethoven (1770-1827), Intégrale des symphonies

Détails

Soprano
Maria Bengtsson

Alto
Corinna Scheurle

Ténor
Mauro Peter

Basse
Dimitry Ivaschenko

 

Collegium Vocale 1704

Kammerkakademie Potsdam

Direction musicale
Antonello Manacorda

5 CD Sony Classical LC 06868, enregistrés à Berlin d’octobre 2020 à février 2024

Pour les 200 ans de la Neuvième symphonie de Beethoven, Sony classical a choisi de frapper un grand coup et de publier une nouvelle intégrale de l’opus symphonique du Titan de Bonn. C’est Antonello Manacorda qui décroche la timbale. Après une très belle carrière comme Konzertmeister du Mahler Chamber Orchestra et du Gustav Mahler Jugendorchester (sous l’aile de Claudio Abbado, excusez du peu), Manacorda s’est lancé comme chef d’orchestre au début des années 2000. Avec un certain succès, à l’opéra comme dans le répertoire symphonique. Depuis 2010, il est le chef permanent de la Kammerakademie de Potsdam. Il a signé avec cet ensemble des intégrales remarquées de Schubert et Mendelssohn.

Le voici donc au défi d’enregistrer les symphonies les plus connues du répertoire, en 2024, après tant d’autres. Mais Manacorda a quelque chose à dire dans ce répertoire, et ce coffret n’ira pas rejoindre la pile des intégrales inutiles qui ont pullulé ces dernières années. Grâce au secret de toute interprétation beethovénienne réussie : l’énergie. Cette pulsion vitale qui jetait sans cesse le compositeur vers l’avenir et le sortait des abîmes où le plongeaient la surdité et l’incompréhension de ses contemporains. De même que Beethoven proclamait vouloir « saisir le destin à la gorge », Manacorda s’empare de la matière sonore avec impétuosité, fouettant son orchestre, poussant sans cesse la musique vers l’avant. Cela ne se traduit pas nécessairement par des tempi très rapides (on est dans la moyenne), mais le discours est sans cesse relancé, les idées se bousculent, les phrases s’enchaînent les unes aux autres avec une forme de halètement qui maintient sans cesse en éveil l’attention de l’auditeur. Cela fonctionne particulièrement bien dans les œuvres les plus «motoriques», comme la Première, la Deuxième, la Huitième et la Troisième, qui est plus napoléonienne que jamais. La Cinquième est d’une vigueur rafraichissante, avec une réussite particulièrement frappante dans la transition du troisième au quatrième mouvement, ces fameux pizzicati où tant de chefs se perdent, qui sonnent ici comme des hoquets de désespoir avant le surgissement d’une lumière aveuglante. La Septième est plus contrastée : tout ce qui ressort de l’esprit dansant est admirable d’allant et d’enthousiasme, mais l’Allegretto est bien pauvre en couleurs. Dans la Quatrième et la Pastorale, où il faut davantage s’appuyer sur les timbres de l’orchestre que sur son influx nerveux, la Kammerakademie Postdam montre ses limites. Certes, la phalange est impeccablement disciplinée, les musiciens débordent d’enthousiasme, et la prise de son est admirable de transparence et de lisibilité. Mais on serait bien en peine d’identifier ici une couleur spécifique, du type des grands orchestres comme Dresde ou Amsterdam, ou encore ce parfum fruité qu’ont bien des ensembles d’instruments anciens.  On aura ici un très bon orchestre de chambre, aux timbres un peu anonymes. La scène au bord du ruisseau ou l’Adagio de la Quatrième, où l’énergie ne suffit pas à animer le propos, tombent un peu à plat, avec leur vibrato trop parcimonieusement distribué.

Une fois les qualités et les défauts de ce coffret bien cernés, on attendait avec impatience de voir le résultat dans la Neuvième. Voilà bien une œuvre qui réclame à la fois hédonisme et enthousiasme. Le résultat est un peu déroutant. Tout dépend de la conception que l’on se fait de la pièce. Ceux qui y voient un cri primal, une explosion des cadres pré-existants et l’annonce du siècle musical à venir en seront pour leur frais. Manacorda tient tout sous contrôle, et veut absolument la présenter comme la continuation des œuvres précédentes, beaucoup plus que comme une rupture. A condition d’adhérer à cette conception anti-romantique, la partie purement instrumentale est une grande réussite. Le premier mouvement file à toute allure, comprimé comme un ressort que l’on sent prêt à exploser. Quelle tension ! Quelle gestion des dynamiques ! Quelle vie ! On s’en doute, le Scherzo est un festival d’énergie pure, et fonce vers l’abîme avec résolution, plus «Orange mécanique» que jamais. L’ Adagio molto e cantabile bute par contre sur les mêmes problèmes que dans l’Allegretto de la Septième : pas assez d’abandon, pas suffisamment de délectation sonore, malgré une battue une fois de plus très claire de la part du chef, et une vigueur rythmique qui dessine bien les phrases que d’autres baguettes perdent dans les brumes. Le finale finit par emporter l’adhésion : Manacorda parvient à y imposer des idées certes contestables mais fermement défendues. L’orchestre est fouillé jusque dans ses tréfonds, ce qui nous vaut un récitatif passionnant et un énoncé du thème de la joie comme en apesanteur, sans doute un des plus originaux qu’il nous ait été donné d’entendre au disque, qui halète plus qu’il ne chante. Dimitry Ivaschenko est d’une justesse aléatoire dans son récitatif, mais il s’agit probablement d’un effet voulu, d’autant que la suite le montre parfait. Mauro Peter a de si beaux moyens qu’on se prend à regretter la vive allure de la marche, mais tout cela se tient. Les deux solistes féminines (Maria Bengtsson et Corinna Scheurle) sont excellentes, et le chœur de Collegium 1704 tout en clarté. Pas plus de 40 chanteurs, ce qui permet de clarifier considérablement des passages comme le «Seid umschlungen, Millionen». Ailleurs, cela sonne plutôt petit, mais c’est à l’image de cette intégrale. Rien qui convainque résolument ni qui remette en cause les grands du passé, mais un projet qui interpelle, émeut, et témoigne de choix artistiques clairement assurés. C’est déjà pas mal.

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Dimitry Ivaschenko

 

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