Considéré comme un des plus grands musiciens du 20e siècle, Béla Bartók n’a composé qu’un seul opéra – Le Château de Barbe-Bleue. Sa musique n’en puise pas moins son inspiration dans le chant, non lyrique mais folklorique, découvert par hasard lors d’un séjour en Transylvanie. Dès l’été 1906, à l’âge de 25 ans, Bartók marche sur tous les chemins de Hongrie pour collecter à l’aide d’un phonographe les mélodies populaires de son pays. C’est ainsi que son œuvre se présente comme « une synthèse inédite entre répertoire rural – rythmes, harmonies, gammes, intervalles, techniques de jeu villageoises – et musiques savantes » – explique Laetitia Le Guay dans une nouvelle biographie publiée chez Actes Sud.
Pour aider à mieux découvrir un « Bartók inattendu », la maître de conférences, déjà auteure de Serge Prokofiev dans la même collection, adopte une approche linéaire, souvent clinique dans son refus de la digression et de l’anecdote. C’est qu’elle dispose de peu de pages et qu’il y a tant de choses à dire. L’œuvre autant que l’artiste sont passés au scalpel d’une analyse dont la science et la rigueur sont plus riches d’enseignement que de distraction. La liberté des pages introductives augurait d’une fantaisie qu’il aurait été appréciable de retrouver au fil des chapitres suivants.
Reste Bartók, l’homme, décrit comme « blagueur jusqu’au scatologique » – ce que sa musique ne révèle pas forcément. La clé de sa personnalité énigmatique doit-elle être cherchée dans sa dernière lettre à son fils qui se termine par ces mots : « Si possible, préviens de ton arrivée, mais ce n’est pas indispensable […] Notre cottage est derrière, sur une colline. On y accède par un petit escalier métallique. Nous t’attendons avec impatience. » ? Pourquoi sinon Laetitia Le Guay aurait-elle choisi de conclure son ouvrage par cette citation, apparemment insignifiante ?
Le catalogue des œuvres, la bibliographie, la chronologie et l’index des noms cités complètent en fin de volume ce portrait, moins coloré que ciselé, comme une gravure à la pointe sèche.