C’est une fois de plus aux Jeux de Paris que l’on doit sans doute cet enregistrement des Fêtes grecques et romaines : Louis Fuzelier, prolifique dramaturge dont on connaît surtout Les Indes galantes, s’amuse à mettre en scène les amourettes de couples « historiques » avec pour cadres successifs les Jeux olympiques, les Bacchanales et les Saturnales.
Colin de Blamont, en revanche, en est alors à ses débuts. Après quelques rebondissements, ce premier opéra est créé à l’Académie royale de musique en 1723. Le succès est au rendez-vous, motivant plusieurs reprises où un Jélyotte débutant se fait remarquer. C’est ici la version de 1741 qui est proposée.
Au disque, ce « ballet héroïque » souffre de l’absence de la fantaisie visuelle qui faisait beaucoup dans l’attrait du spectacle, entre décors variés et danses. Les limites inhérentes au genre ont pu être transcendées dans les meilleures créations de Campra ou Rameau, mais elles ne le sont pas tout à fait ici. Pourtant, le livret est assez bien troussé ; mais à chaque entrée, on attend un peu que passe la partie dramatique et que débute le divertissement. Ainsi du prologue, qui décolle avec l’arrivée délicieuse de Terpsichore rejoignant Apollon et les autres muses, Clio et Erato. Dans la première entrée, pleine d’énergie, une Timée pleine de dépit a confirmation de l’infidélité du champion Alcibiade, chantre de l’inconstance. La présence de la rivale dans le pimpant divertissement est gage de continuité et de piquant. La seconde entrée nous paraît plus plate, malgré l’opposition entre tonalité martiale et tendres épanchements : Cléopâtre a des pudeurs de violette face à Marc-Antoine. Quant à la bacchanale qui suit, on doit y servir du jus de pomme tant y domine une galanterie polie. L’intérêt revient avec la troisième entrée. Délie y taquine son amant Tibulle avant de lui déclarer sa flamme. L’anecdote a du charme, même si les Saturnales ne sont qu’un avatar pastoral parmi tant d’autres.
La musique de Colin de Blamont offre nombre de moments saillants, marches vigoureuses, chœurs mobiles ou déclarations rêveuses teintées de flûtes. Le trio du prologue préfigure Rameau, et une vocalité italienne irrigue les ariettes. À ce titre, on relève particulièrement « Vous, favoris de Mars », pendant les célébrations olympiques, où Cyrille Dubois s’inscrit dans les pas de Jélyotte. Le ténor joue les utilités avec un élan et un engagement qui font merveille jusqu’à la troisième entrée, où il dessine un Tibulle éperdu.
Autre morceau de choix, « Brillez, jouissez de la paix » est une aria da capo d’une longueur inusitée. Marie-Claude Chappuis est techniquement solide, et on ne peut que lui reprocher son esprit de sérieux en Cléopâtre, qui aurait pu être plus femme fatale. Elle assure un impeccable prologue avec Hélène Carpentier, qui attise ensuite les fureurs de Timée. Chez les dames, on distinguera encore Gwendoline Blondeel, la plus éloquente, fraîche Aspasie et juste Délie. Cécile Achille n’est pas moins excellente que ses consœurs dans ses divers petits rôles.
Unique basse-taille à l’affiche, David Witczak reprend les parties de Thévenard et se taille la part du lion avec le principal rôle masculin du prologue et des deux premières entrées. Si le matériau vocal n’a rien d’exceptionnel, on apprécie la netteté d’un chant assumé de bout en bout, vocalises comprises, et les nuances des portraits. Il faut absolument souligner la parfaite clarté du texte, chez lui comme pour l’ensemble de la distribution, et qui permet de suivre les échanges sans livret.
Valentin Tournet confirme ici ses affinités avec le genre. Sa direction équilibrée respire sans esbroufe, sans jamais chercher à faire « Grand Siècle ». La musique coule de manière évidente, avec une Chapelle harmonique fluide et nette, à l’orchestre comme au chœur, lui aussi bien intelligible. Une fort belle réalisation d’un succès marquant de l’opéra-ballet.