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Livre
2 novembre 2009
Changeons d’air

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Changing the Score
Arias, Prima Donnas, and the Authority of Performance

Oxford University Press, 2009 – 240 p.
Hilary Poriss

ISBN13: 9780195386714

L’amateur d’opéra sait que le respect de l’œuvre est un acquis récent en musique : modifier ad libitum paroles et musique, intervertir des numéros, supprimer un air pour le remplacer par un autre, telles étaient les habitudes de la scène lyrique jusqu’à un passé encore très frais. Or rares sont les études consacrées à ces phénomènes, surtout à l’intention du grand public. On se réjouit donc de voir paraître ce livre d’Hilary Poriss, enseignante en musicologie à la Northeastern University, aux États-Unis. L’auteur s’y attache plus particulièrement à retracer l’histoire des interpolations d’airs, habitude qui a connu son heure de gloire entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe essentiellement, même si, de fait, on peut encore en trouver quelques exemples à notre époque (Cecilia Bartoli pour l’essentiel – mais on pourrait aussi citer Karajan, qui ne s’est pas interdit de modifier la structure même de certains opéras, distribuant Kundry à deux interprètes pour une même soirée, ou intervertissant la structure d’un acte dans la Femme sans ombre pour ne citer que ces deux exemples).

Le principal reproche que l’on fera à cet ouvrage tient à sa richesse même : croulant visiblement sous les sources et les exemples, Hilary Poriss peine à trouver une logique à l’exposé de ses idées, préférant baser son propos sur l’analyse d’exemples clés. Malheureusement pour le lecteur, l’impression d’arbitraire l’emporte sur celle de progression logique, et l’on en vient à se demander si l’argumentation n’aurait pas gagné à dégager plus fermement quelques idées essentielles.

On comprend rapidement que les grands interprètes du passé n’avaient pas tous les mêmes motivations lorsqu’ils changeaient un air pour un autre : certains le faisaient parce que le morceau à chanter ne convenait pas totalement à leur voix, ou qu’ils n’avaient pas eu assez de temps pour l’apprendre correctement (il est vrai que jusqu’à la fin du siècle dernier, les compositeurs travaillaient souvent dans une urgence qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui, laissant de ce fait bien peu de temps aux artistes pour s’imprégner de leurs rôles) ; d’autres cherchaient plus prosaïquement à mettre en valeur leurs propres qualités vocales (au détriment de l’œuvre interprétée, ils pouvaient ainsi aller chercher un air à coloratures pour remplacer un air que le compositeur avait spécifiquement écrit calme et méditatif !) ; d’autres encore s’adonnaient à cette pratique pour ne pas être en reste, et montrer qu’elles pouvaient faire comme leurs célèbres devancières – et de fait, c’est ainsi que bien souvent les divas (puisque c’est d’elles essentiellement qu’il s’agit) se sont fait un nom… Bref, on le voit, les changements ont toujours eu des motivations fort diverses – et ont d’ailleurs toujours été très diversement appréciés. L’auteur montre qu’il serait faux de croire que le public, les critiques, les compositeurs eux-mêmes ainsi que les directeurs de théâtres, ont eu à cet égard une attitude cohérente ou linéaire, les habitudes variant de manière souvent imprévisible.

Rossini, Bellini et Donizetti et leurs principales interprètes se partagent la plus belle part de cette étude, mais l’auditeur curieux sera également intéressé par le long chapitre consacré aux chanteurs dont nous avons gardé des traces sonores, Patti, Melba, Sembrich, Galli-Curci, Pons etc., et jusqu’à Bartoli comme on l’a déjà signalé. L’importance de l’invention du phonographe est d’ailleurs très intelligemment soulignée, avec ce qu’il apporte d’influence sur les auditeurs, installant des habitudes d’écoute, et donc des attentes – eu égard à la musique elle-même, ou aux styles d’interprétation. Aujourd’hui encore, le disque fait revivre cette histoire : l’amateur de Bellini qui possède en effet l’enregistrement des Capuleti par Kasarova et Mei sait que l’enregistrement offre en appendice le dernier acte de l’œuvre par Vaccai, cet acte que Malibran chantait de préférence à l’original de Bellini sur scène ! Certaines œuvres enfin, qui ouvrent la porte à des insertions plus ou moins libres, font l’objet d’une étude plus particulière, comme la scène de la leçon dans Le Barbier de Séville (mais cela vaudrait aussi pour La fille du régiment ou le 3e acte de Fledermaus)…
Avec cet ouvrage on le voit, Hilary Poriss ouvre davantage de portes qu’elle n’en ferme, suggérant à chaque page d’innombrables sujets de réflexion. Le panorama très vivant et coloré qu’elle brosse de l’histoire de l’interprétation lyrique ouvre surtout une voie dans laquelle l’édition française ferait bien de lui emboîter le pas.
 
David Fournier

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Arias, Prima Donnas, and the Authority of Performance

Oxford University Press, 2009 – 240 p.
Hilary Poriss

ISBN13: 9780195386714

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