En dehors de Benjamin Britten, qui s’est finalement très bien exporté, que connaît-on en France de la musique vocale britannique du XXe siècle ? Pas grand-chose, voire presque rien. En concert, entendons-on jamais chez nous du Delius ou du Tippett ? Pour des compositeurs plus confidentiels, a fortiori, il faut se contenter du disque. Par chance, certains labels se font un devoir d’explorer ce répertoire : on pense bien sûr à Lyrita, mais cette petite maison n’est pas la seule, est l’on peut espérer que, grâce à la couverture médiatique dont bénéficie Naxos, le nom de George Dyson deviendra un peu moins ignoré.
Il y a quelques années, dans le cadre d’une série de rééditions autour du chef Richard Hickox, Chandos avait republié son enregistrement des Canterbury Pilgrims (1931) de ce compositeur extrêmement négligé, et dont certaines œuvres font l’objet d’étonnantes redécouvertes. Né en 1883, élève de Charles Villiers Stanford, George Dyson avait pu faire un séjour prolongé en Autriche et en Allemagne, grâce à une bourse Mendelssohn. Et au retour, en 1910, il avait entrepris d’écrire une partition devant lui permettre de soutenir son doctorat à Oxford. Ce Psalm CVII Symphony and Overture, pour lui donner son titre exact, n’avait pu être soumis qu’en 1917, après quoi l’œuvre avait été archivée sans jamais bénéficier d’une seule exécution. C’est seulement un siècle plus tard que la partition a été retrouvée à la Bodleian Library par Paul Spicer, biographe de Dyson, puis créée en mars 2014. Avec une équipe différente, la version Naxos en constitue le premier enregistrement mondial.
En Allemagne, Dyson avait rencontré Richard Strauss : cela s’entend dans cette Choral Symphony (titre « moderne » et moins explicitement religieux). Après une longue introduction orchestrale, le récit est essentiellement confié au chœur, avec parfois des passages d’une inventivité surprenante, comme le flou harmonique délibérément entretenu sur le texte « Ils s’égarèrent dans le désert ». Les solistes ne font que des entrées ponctuelles : en quatuor dans le Largo (3e partie), et la soprano seule en conclusion de la deuxième partie, ainsi qu’au milieu et à la fin de la quatrième. Malgré tout le bien qu’on pense par ailleurs de Caitlin Hulcup, superbe mezzo haendélienne, ou du baryton Roderick Williams, force est d’avouer qu’on serait bien en peine de distinguer les mérites de leur prestation, leur voix ne se faisant entendre que mêlée à celle des autres solistes et du choeur. Il faut en revanche souligner combien sont émouvante les diverses interventions d’Elizabeth Watts, au timbre sombre et charnu, qui ferait presque douter qu’elle soit bien soprano.
C’est seulement après la Première Guerre mondiale, durant laquelle il fut traumatisé par les bombardements, que démarra vraiment la carrière de George Dyson, avec toute une série de pièces pour orgue et d’œuvres chorales qui attirèrent l’attention. C’est pour répondre à une commande du Three Choirs Festival (voir notre recension du disque Lyrita consacré à Philip Cannon) qu’il composa St Paul’s Voyage to Melita, créé en 1933. Dans cette œuvre d’une demi-heure, où le chœur assume une fois encore l’essentiel de la narration – excellente prestation, là aussi, du Bach Choir – on trouve la saisissante évocation d’une tempête et quelques audaces harmoniques qui montrent que le langage de Dyson avait (un peu) évolué en vingt ans. Le soliste est cette fois un ténor, et Joshua Ellicott y déploie des couleurs typiques de l’école de chant anglais. David Hill dirige avec une énergie exemplaire le Bournemouth Symphony Orchestra, qui avait déjà enregistré cette œuvre en 2002 pour le label Somm.
O Naxos, ô Lyrita, soyez donc généreux : envoyez ce genre de disques aux organisateurs de concert français ! Les mélomanes vous le rendront au centuple.