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CIMAROSA, L’Olimpiade

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CDSWAG
12 juin 2024
Enfin de quoi se réjouir des JO !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Dramma per musica en 2 actes

Créé à Vicence le 10 juillet 1784

Livret de Pietro Trapassi dit Metastasio (adapté par ?)

Musique de Domenico Cimarosa

Détails

Josh LovellClistene

Rocío PérezAristea

Marie LysArgene

Maite BeaumontMegacle

Mathilde Ortscheidt – Licida

Alex Banfield – Aminta

Les Talens Lyriques

Christophe Rousset pianoforte et direction musicale

 

2 CD Château de Versailles Spectacles 69’55 & 76’08

Enregistrement du 18 au 22 décembre 2023 salle Colonne (Paris)

C’est cyclique : les JO d’été suscitent un regain d’intérêt pour L’Olimpiade de Metastasio, mis en musique par des dizaines de musiciens entre 1733 (Caldara) et le début du XIXe siècle, Donizetti travaillant encore des extraits du drame pendant ses études. Plus de 140 productions de ce drame signées de dizaines de compositeurs ont été répertoriées dans cet intervalle, balayant les styles baroque, galant et néoclassique : il y a là un riche vivier où piocher.

Pour les jeux de Londres en 2012, Naïve avait fait paraître un joli florilège sur ce thème, arguant que « le thème de l’Olympisme est très en vogue » au XVIIIe – interprétation oiseuse de l’immense popularité de L’Olimpiade, où la compétition sportive n’est que le lointain accessoire d’un bonneteau amoureux. Sans la Covid, les jeux de Tokyo 2020 auraient été célébrés au Théâtre des Champs-Élysées avec L’Olimpiade de Vivaldi (1734) en version de concert. C’est bien la version la plus populaire, qui nous revient sur scène pour les jeux de Paris en 2024, toujours sous la houlette d’un Spinosi déjà occupé par un pasticcio à Nice. Dommage que Metastasio n’ait pas prévu de scène de curling dans Artaserse, il aurait eu sa chance pendant les jeux d’hiver (mais tout n’est pas perdu pour Meyerbeer et son ballet des patineurs).

Si Christophe Rousset suit le mouvement avec L’Olimpiade de Cimarosa (1784), parions que c’est moins par passion pour l’olympisme que pour le répertoire rattaché à l’école napolitaine, dont il est de longue date un fervent défenseur. Une tournée de concerts, récemment passée par Versailles, avait suscité l’enthousiasme de Guillaume Saintagne. Un disque l’accompagne, et l’on s’en réjouit pour au moins trois raisons.

Il y a d’abord la musique de Cimarosa, dont il existe étonnamment peu d’enregistrements de studio (et de qualité), y compris du Matrimonio segreto. Connu aujourd’hui pour ses productions comiques, Cimarosa (comme Paisiello) obtint certains de ses plus grands succès dans le genre noble. On serait d’ailleurs bien inspiré de revenir plus souvent à Gli Orazi ed i Curiazi, œuvre majeure en son temps. L’Olimpiade de 1784 s’inscrivit pendant plus de 20 ans au répertoire des théâtres, performance assez remarquable à une époque où une création chassait l’autre. Il faut dire que le Napolitain y donne le meilleur de lui-même et offre un passionnant et nécessaire témoignage de l’état du dramma per musica dans les années 1780, panorama à peu près inexploré de nos jours (opéras de cour, Idomeneo de Mozart et Armida de Haydn ne sont guère représentatifs du genre dans les théâtres italiens) : c’est une deuxième source de satisfaction.

Car la « réforme » prêtée à Gluck commence dès dans les années 1750 pour percoler de façon moins radicale au fil des contributions de Traetta, Salieri ou Jommelli, qui innovent en explorant la structure du drame et de l’aria, le rôle de l’orchestre, de nouvelles formes de pathétique… C’est dans les années 1780 que l’évolution de l’opera seria commence à se faire plus manifeste, ce qu’illustre bien L’Olimpiade (et Giulio Sabino de Sarti, Pirro de Paisiello…). À l’instar de la plupart de ses collègues, Cimarosa ne renonce pas au virtuosisme exalté par le public et les chanteurs. Cela étant, le discours est bien plus mouvant que dans les décennies précédentes, articulant déclamation dépouillée et belcanto échevelé, variations dynamiques au sein d’un même numéro, formes brèves ou longues, jouant d’une large palette de commentaires instrumentaux et motifs expressifs. Un vent de liberté souffle dans l’aria et dans l’alternance récitatifs/airs ; le rondeau préfigure ce qui deviendra la forme cantabile-cabalette, et l’opéra se termine sur un ensemble relativement développé. Cimarosa brille par sa veine mélodique, sa fraîcheur et sa sensibilité, s’éloignant de l’idéal tragique métastasien. Car on en vient à la troisième cause de réjouir : le beau livret de Metastasio.

Il faut ici reconnaître que cette version fait office de baroud d’honneur d’un drame familier mais de plus en plus daté eu égard aux nouvelles attentes du genre. Si en 1784, Sarti et Borghi s’attaquent aussi au livret, L’Olimpiade ne connaît plus ensuite qu’une poignée de mises en musique. Du drame parfaitement équilibré de l’amitié (très grecque…) entre Megacle et Licida, Cimarosa ne retient que des aspects clés. L’époque est à la simplification des intrigues, encouragée par un coûteux star system ne permettant que d’engager un grand castrat, une primadonna et un ténor vedette, surtout pour une scène très secondaire comme Vicence, où l’on a voulu marquer le coup pour inaugurer le nouveau théâtre. L’acte I connaît peu de modification, mais les II et III sont fusionnés au détriment de la caractérisation d’Argene et Licida. Exit Alcandro, et plus grand-chose pour Aminta, dont les commentaires volent la vedette chez Vivaldi. Difficile de ne pas y voir un appauvrissement, malgré l’habileté de l’adaptation ; qui n’est pas familier de L’Olimpiade (via des intégrales signées Vivaldi mais aussi Pergolesi, Galuppi, Hasse ou Mysliveček) devrait y trouver son compte.

Ajoutons un quatrième motif de satisfaction : Christophe Rousset offre une brillante interprétation. Certes, sa battue se fait parfois sage, surtout dans les flamboiements de « Superbo di me stesso » – l’usage bien installé de faire le disque avant la tournée est souvent dommageable. Reste que Les Talens lyriques rutilent et enthousiasment, avec une respiration et des nuances bienvenues dans la conduite du phrasé. Le chef saisit chaque motif instrumental pour animer un drame dont le tendre pastel lui convient bien. Caracolant bravement sur plus de deux octaves, Maite Beaumont sait aussi déclamer et trouve de belles couleurs pour faire exister un Megacle sensible, rôle fétiche du légendaire Marchesi. Rocío Pérez puise dans son expérience de Reine de la nuit pour affronter une partie superbement vocalisante : la Danzi-Lebrun était réputée pour son suraigu et ses airs concertants avec hautbois, talents bien mis à contribution ici. La voix est belle en dépit de notes extrêmes pointues, et les coloratures sont d’une parfaite précision : « Tu di saper procura » est ravissant et le sublime duo avec Megacle constitue un absolu chef-d’œuvre d’expression et de brillant. Josh Lovell est une découverte : dans un rôle de roi qui ne pige rien et ne prend de l’épaisseur qu’à la fin du III, il engloutit les vocalises avec facilité avant de livrer un touchant « Non so donde viene ». L’excellente Marie Lys est un luxe en Argene et séduit dans son entrée pastorale, ici assez brève. L’élégant « Mentre dormi » de Licida frustre aussi par sa brièveté ; Mathilde Ortscheidt remplit son rôle avec caractère, mais la partie est peu valorisante. Alex Banfield se montre tout à fait compétent dans ses interventions.

Parmi les trop rares intégrales d’opera seria du dernier quart du XVIIIe siècle, ce disque est à marquer d’une pierre blanche.

NB : Un enregistrement pirate de L’Olimpiade de Cimarosa de 2001 se trouve facilement en ligne. S’il ne brille que par la direction de Marcon et les merveilleuses Bonitatibus et Ciofi, il a jusqu’à présent suffi à donner une idée de la beauté de l’opéra. Attention cependant : la prétendue intégrale « VDC Classique » est une imposture. Cette fausse maison de disque, qui propose de nombreux titres de Cimarosa, recycle en réalité des pirates et autres enregistrements sur le vif sans créditer les artistes : le chef, la distribution et l’ensemble annoncés n’existent pas, et les images vont jusqu’à imiter le style des Vivaldi de Naïve. On s’explique mal comment, en dépit de ces scandaleuses pratiques, ces arnaques restent sur des plateformes comme Amazon ou YouTube après de nombreuses années.

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L'Olimpiade-Cimarosa par Rousset

Note ForumOpera.com

5

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Créé à Vicence le 10 juillet 1784

Livret de Pietro Trapassi dit Metastasio (adapté par ?)

Musique de Domenico Cimarosa

Détails

Josh LovellClistene

Rocío PérezAristea

Marie LysArgene

Maite BeaumontMegacle

Mathilde Ortscheidt – Licida

Alex Banfield – Aminta

Les Talens Lyriques

Christophe Rousset pianoforte et direction musicale

 

2 CD Château de Versailles Spectacles 69’55 & 76’08

Enregistrement du 18 au 22 décembre 2023 salle Colonne (Paris)

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