Les captations d’I Lombardi ne se bousculent pas au catalogue, et il y avait donc de quoi se réjouir a priori qu’un nouveau DVD vienne enrichir la vidéographie du quatrième opéra de Verdi. Il n’existait jusqu’ici que la version filmée en 1984 à La Scala, avec José Carreras et Ghena Dimitrova, entre autres. Des archives du Met surgira peut-être un jour une captation de la production interprétée par Samuel Ramey et Luciano Pavarotti en 1993. Toujours est-il que ces Lombards-ci sont beaucoup mieux qu’un bouche-trou, grâce à un magnifique trio de chanteurs qui portent sur leurs épaules cet opéra qui n’est déjà plus une œuvre de jeunesse : certes, le livret est impossible, avec son imbroglio christiano-musulman et ses revanches sur plusieurs générations, certes, Verdi y abuse des fanfares par trop guillerettes pour évoquer le départ des Croisés, mais il sait déjà s’élever au-dessus des formules reprises à ses aînés et contemporains pour composer des airs mémorables, des ensembles de toute beauté et des chœurs impressionnants. Vocalement, Francesco Meli est un magnifique Oronte, en forme éblouissante, avec un superbe « La mia letizia infondere » riche en nuances ; scéniquement, il est le jeune homme enthousiaste qu’on attend dans ce personnage. En 2009, Michele Pertusi n’avait pas encore basculé dans la grisaille qu’on peut aujourd’hui lui reprocher, et il pouvait mettre toutes ses ressources au service de son personnage de méchant repenti. Quant à Dimitra Theodossiou, elle chantait déjà le rôle dix ans auparavant, à Santiago du Chili, son interprétation à Crémone en 2001 fut immortalisée par un live paru chez Dynamic, et elle devait retrouver Giselda à Macerata en 2010 avec les mêmes Pertusi et Meli ; avant d’aborder des rôles plus tardifs et plus lourds, elle était très proche de l’idéal, dans la vaillance comme dans les pianissimi impalpables de cette partition à peine moins hérissée de difficultés que celle de Nabucco. A Macerata, elle devait également être à nouveau dirigée par Daniele Callegari, qui parvient à maintenir l’unité du discours dans une œuvre assez fragmentée, aux atmosphères changeantes.
Visuellement, on se situe sans doute un cran en dessous, même si ce qu’on voit n’a rien d’infamant. De Lamberto Puggelli, on avait modérément apprécié la mise en scène du Corsaire, mais cela tenait en partie à sa compression dans l’espace restreint du théâtre de Busseto. A Parme, ses Lombards jouent au contraire la carte de l’espace, avec une scène presque entièrement nue ; l’arbre isolé qui surgit au premier acte choque presque, tant il est exceptionnel qu’un élément de décor s’ajoute au gigantesque mur du fond, composé de blocs de pierre, que viennent animer des projections variées, tantôt illusionnistes, tantôt purement évocateurs (Guernica, photographies de guerre, paysages à la Turner), selon une méthode aujourd’hui très employée dans les cadres où l’on donne des opéras en plein air, le théâtre antique d’Orange par exemple. Au moins le mur est-il fort bien éclairé, comme lorsqu’il se transforme en Mur des Lamentations pour l’arrivée à Jérusalem. Les costumes sont très sobres, discrètement historiques ; seul Pagano hérite de postiches encombrants, moustache à la Fu-Man-Chu, sourcils en biais de « méchant », puis bandeau sur l’œil dès lors qu’il devient ermite. Puggelli sait occuper l’espace et y faire évoluer les chœurs, à défaut de proposer une lecture originale de l’œuvre. Ce DVD s’avère donc très regardable et suprêmement écoutable, et compte parmi les quelques vraies réussites de l’intégrale Verdi de C Major.