Plus qu’aucune autre, la musique de Bach se prête aux transcriptions, que le cantor pratiqua abondamment. L’enregistrement de Juliette de Massy, soprano, et de Bogdan Nesterenko, accordéon de concert, vise à nous faire partager leur bonheur à interpréter des arias de cantates, des passions et de l’Oratorio de Noël. L’accordéon seul nous livre une Toccata et fugue en ré mineur, la célébrissime, ainsi que le prélude et fugue en la mineur. Ce qui frappe, d’emblée, est la richesse sonore de l’instrument, particulièrement des basses – on ne s’appelle pas Nesterenko pour rien ! – et la dynamique subtile de chacun des phrasés. La démonstration est crédible des possibilités d’un tel instrument, même s’il est permis de préférer l’original. La lisibilité, les timbres – on n’ose parler de registration – donnent une image intéressante de chacune des pièces. Cette musique est manifestement familière à chacun des deux interprètes. Notre soprano, formée à la musique ancienne, en hérite une voix bien conduite, mais quelque peu blanche, dépourvue de vibrato. La pureté pourrait se conjuguer avec un minimum de coloration. Les consonnes du texte sont estompées voire gommées. Mais, ne boudons pas notre plaisir : l’aria finale « Liebster Gott, erbarme dich » est remarquable, tout comme le « Ich folge dir » de la Passion selon Saint-Jean. Le grand virtuose qu’est Bogdan Nesterenko parvient à restituer chacune des lignes et sa respiration s’accorde à merveille à celle du chant. Par contre, lorsque la polyphonie se fait plus dense, avec davantage de parties, comme dans « Nur ein Wink von seinen Händen » (de l’Oratorio de Noël), les limites sont atteintes.
L’enregistrement s’écoute avec curiosité et intérêt : les possibilités insoupçonnées d’un magnifique instrument de concert, servi par un remarquable musicien, et le chant quelque peu éthéré de Juliette de Massy réservent de beaux moments.