Comprendre Richard Wagner, voilà belle lurette que l’on s’y emploie à renfort de biographies, d’études, de dictionnaires amoureux et autres doctes livres. Hermann Grampp et Dorian Astor s’attellent à leur tour à la tâche en un court ouvrage d’une centaine de pages, un format original pour un compositeur qui d’habitude appelle des développements à la mesure de la longueur de ses opéras. Une dizaine d’illustrations insérées entre les lignes et réalisées par Aseyn motivent l’appellation « essai graphique ». Le premier des deux auteurs est un critique musical allemand, spécialiste de la réception wagnérienne en France ; le deuxième est un germaniste, philosophe et musicologue français. L’originalité de leur démarche tient à ce regard croisé franco-allemand sur Richard Wagner. L’étude du wagnérisme de part et d’autre du Rhin à travers l’histoire des deux pays amène à une conclusion que les amateurs de paradoxe apprécieront : « Si les Allemands avaient dès le début compris Wagner comme l’ont compris les Français, ils auraient épargné bien des malheurs au destin posthume d’un de leurs plus grands compositeurs ». Nietzsche et Schopenhauer aidant, la réflexion prend ensuite une tournure philosophique. Que signifie aujourd’hui être wagnérien ? Sans dévoiler la réponse qui comblera d’abord les amateurs de rhétorique, disons que les sceptiques y trouveront leur compte. Les masochistes aussi puisque les auteurs relèvent que « dans le monde de Wagner, on doit concevoir la souffrance comme mode de connaissance ». Bon nombre de mélomanes, contraints pendant plusieurs heures à écouter, souvent mal assis, les tergiversations de Wotan ou le récit de Gurnemanz, ont déjà vérifié la théorie. Il faut souffrir pour connaitre Wagner. De là à le comprendre…