Après ses grandes intégrales, Brilliant classics se consacre à l’édition à bas prix en volumes séparés des grandes œuvres de musique religieuse. Autant le confort relativement spartiate des intégrales (interprètes et formations peu connus, livret et apparat critique inexistant, prises de son approximatives) se justifiait par la radicale nouveauté de la formule et sa viabilité économique, autant l’absence de valeur ajoutée de ces parutions séparées par rapport à une option de téléchargement a de quoi surprendre.
Cette sélection, en dépit des apparences, n’a pas grande unité ni chronologique ni thématique, puisque se succèdent le Te Deum and Jubilate de 1694, quelques hymnes des années 1680-1683, dont le célèbre « Hear my prayer, O Lord », et les Funeral Sentences for Queen Mary de 1694. Car cette dizaine d’années qui sépare les premiers hymnes des deux grands ensembles est celle qui sépare un jeune homme de vingt ans tout juste établi d’un compositeur à la réputation bien assise : autant les hymnes des années 1680 regardent vers John Blow, maître de Purcell, qui vient de démissionner des orgues de Westminster en faveur de son jeune et brillant élève, autant les dernières pièces, à la structure contrapuntique plus élaborée et à l’ampleur chorale plus étoffée, se tournent, comme le remarquaient déjà Fétis, vers Carissimi. Le caractère liturgique des pièces constitue, par ailleurs, un dénominateur commun particulièrement faible, et rien ne peut vraiment, si ce n’est la volonté de constituer un best of des pièces religieuses de Purcell, rassembler un jubilate et une musique funèbre.
C’est malgré tout un opus de facture honorable que nous livre Timothy Brown à la tête du chœur de Clare college de Cambridge (dont il est directeur musical), des cuivres naturels des Baroque Brass of London, et d’un ensemble réduit composé de deux violons, d’un alto, et d’un continuo (basse de viole, théorbe et orgue). Le chœur, composé d’étudiants de Clare college, est, à l’évidence, à son aise dans ce répertoire liturgique et montre ce que la culture chorale britannique produit de meilleur : il reste précis jusque dans les nuances extrêmes, présente un bel équilibre des voix (les belles entrées alternées de l’hymne « Hear my prayer, O Lord » en donnent une preuve manifeste), et sait scander avec légèreté ces temps forts si particuliers à la musique baroque anglaise. Les Funeral Sentences, et notamment les deux dernières « In the midst of life » et « Thou knowest, Lord », avec leurs valeurs longues paraissant s’étirer indéfiniment, sont interprétées pianissimo, dans un recueillement d’une qualité sonore et spirituelle rare.
Les solistes, dont Brilliant ne s’est pas obligé à révéler le nom, sont traités de manière quasi chorale, Timothy Brown privilégiant l’homogénéité de l’ensemble à la séparation des voix, ce dont on ne peut que lui savoir gré tant le parallélisme avec les cuivres est musicalement efficace. On leur pardonnera aisément, tant le timbre est juste, quelques flottements dans les rythmes pointés ou dans les vocalises ornementales en valeurs brèves. La prestation des deux trompettistes et du saqueboutier est remarquable : les aigus sont toujours justes, la sonorité jamais criarde, et l’expression toujours souple et raffinée. C’est l’ensemble instrumental qui constitue le point faible de ces enregistrements : les cordes, trop souvent inexpressives, ôtent à bien des pièces le caractère propre qu’elles devraient avoir.
Triste négligence que celle de Brilliant qui entoure un travail aussi soigné d’un aussi fruste écrin. Si le disque naît des efforts conjoints de l’interprète et du producteur, dans le cas présent, l’un a fait son travail, l’autre pas.
Hugues Schmitt