« La vie de Liszt est un roman » titrait Zsolt Harsányi, un des premiers biographes du compositeur hongrois. Celle de Henriette-Adélaïde de Villars, connue sous le nom de scène de Mlle Beaumesnil, aussi.
Née le 30 août 1748, cette cantatrice fut pensionnaire de l’Académie royale de musique (futur Opéra national de Paris) de 1766 à 1781, époque musicalement mouvementée qui vit en France gluckistes et piccinistes s’affronter en rangs serrés. Les premiers se voulaient partisans d’une musique qui privilégie l’expression dramatique, tandis que les seconds exaltaient d’abord la beauté du chant. Les éclats de leur querelle résonnent encore de nos jours sous la forme de cette lancinante question toujours posée par l’opéra : « D’abord la musique ou le livret ? ».
Emportée par les tourmentes de son temps, d’un caractère léger et sensuel – si l’on en juge à une longue épitre en vers que lui adressa Claude-Joseph Dorat –, Mlle Beaumesnil ne limita pas ses talents à l’art du chant. Elle fut une des premières femmes de son temps à oser composer. Gluck lui préféra Rosalie Levasseur pour interpréter ses partitions les plus tragiques. Qu’à cela ne tienne, en 1784, son opéra Tibulle et Délie fut donné avec succès à Paris en même temps qu’Iphigénie en Aulide.
La légende lui prête un bon nombre de querelles, avec la cantatrice Sophie Arnould, dont elle parvint à ravir le titre de première dame au sein de la troupe, mais aussi avec la danseuse Mlle Théodore. Leur contentieux se régla à coups de pistolets, à la poudre heureusement trop humide pour causer beaucoup de dégâts.
Protégée par Marie-Antoinette, elle réussit à échapper à la furie révolutionnaire. Elle épousa, parait-il, un ténor de l’Opéra-Comique, Philippe Cauvy, et mourut selon les sources en 1803 ou en1813.
De cette glaise volubile, Virginie Tharaud – la sœur d’Alexandre, écrivaine mais aussi musicienne – a façonné un roman que l’on dirait de cape et d’épée tant les coups de théâtre et de lame se croisent autour d’intrigues d’une sentimentalité qu’il est permis de trouver exagérée. Pourquoi n’avoir pas davantage fait confiance à son sujet ? L’histoire et la personnalité de la Beaumesnil semblent suffisamment fécondes pour éviter d’ajouter aux faits avérés des amants, des trahisons et des fausses couches comme s’il en pleuvait.
Reste – et c’est là le plus intéressant – le tableau d’une époque justement traduite à partir de sources fiables (dont les Mémoires secrets de Bachaumont). La ville de Paris tournait alors autour de son opéra comme elle gravite aujourd’hui autour de ses plateaux de télévision. Autre temps, mêmes mœurs.