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Cantates, choeurs et musique symphonique

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CD
3 avril 2013
De l’étude du nu en musique

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Max D’OLLONE
Cantates, chœurs et musique symphonique
Frédégonde, cantate (1897)
Sous-bois, chœur avec orchestre (1897)
L’Eté, chœur avec orchestre (1894)
Mélusine, cantate (1896)
Pendant la tempête, chœur avec orchestre (1896)

Clarisse Harlowe, cantate (1895)
Les Villes maudites, envoi de Rome (1899)
Hymne, chœur avec orchestre (1895)
Sposalizio (1895/1939)

Chantal Santon, Virginie Pochon, Gabrielle Philiponet, sopranos
Jennifer Borghi, Marie Kalinine, Noëlle Schepens, mezzo-sopranos
Frédéric Antoun, Julien Dran, Mathias Vidal, ténors
Andrew Forster-Williams, Jean Teitgen, Joris Derder, basses

Flemish Radio Choir
Brussels Philharmonic
Direction musicale
Hervé Niquet

Enregistré au KVS et à la salle Flagey de Bruxelles, en mars et juin 2012

2 CD Palazzetto Bru Zane ES 1010 – 51’06 + 54’40

 

A en croire Saint-Saëns, la pratique de la fugue pour un jeune musicien s’apparentait à l’étude du nu pour un jeune peintre : dans les deux cas, il s’agissait d’un exercice imposé, base indispensable à toute formation académique. Le Prix de Rome prévoyait d’autres travaux, tout aussi contraignants, mais qui pouvaient ensuite servir de point de départ à une brillante carrière indépendante. Après trois premiers volumes consacrés à d’illustres compositeurs français dans la vie desquels le Prix de Rome avait compté, qu’ils l’aient obtenu (Debussy, Gustave Charpentier) ou non (Saint-Saëns), la collection « Prix de Rome » (désormais publiée par le Centre de musique romantique française lui-même) étant bien établie, s’ouvre à des redécouvertes plus audacieuses, en se penchant sur nom parfaitement inconnu du grand public : Max d’Ollone (1875-1959). De la musique vocale de D’ollone, on connaissait les deux disques enregistrés pour Maguelone à la fin des années 1990 par Didier Henry (le second avec Elsa Maurus), accompagné au piano par le petit-fils du compositeur, Patrice d’Ollone. En réunissant trois des quatre cantates composées par D’Ollone durant ses différentes participations au concours, et en y adjoignant quelques-unes des autres pièces exigées dans ce cadre, le Palazzetto Bru Zane offre un magnifique échantillon de la production du jeune Maximilien, jusqu’au moment où il s’affranchit des normes de l’institution. Ainsi, son envoi de Rome composé deux ans après l’obtention du Premier Grand Prix, Les Villes maudites, est un très beau poème symphonique, avec effets orientalistes et chœur bouche fermée, où une personnalité se révèle enfin librement. On goûtera aussi l’exquis Sous-bois, avec l’excellente Marie Kalinine, et où l’on apprécie une fois de plus la transparence et la délicatesse du Chœur de la radio flamande. Pendant la tempête s’ouvre sur quelques effets orchestraux qui créent une atmosphère inquiétante, et la voix fraîche de Gabrielle Philiponet s’élève joliment au-dessus du chœur dans L’Eté.

Le morceau de résistance de ce livre-disque est évidemment constitué par les trois cantates, qu’on découvre en ordre chronologique inversé, en commençant par la dernière, celle qui valut à Max d’Ollone d’être envoyé à la Villa Médicis. Sur un sujet emprunté à l’histoire mérovingienne, source d’inspiration pour les peintres académiques (de Laurens à Alma-Tadema en passant par Philastre fils), Frédégonde offre au compositeur les passions violentes qu’on ne trouvait alors plus souvent sur la scène de l’opéra que dans les textes de cantates. En 568, ayant des vues sur Chilpéric, Frédégonde fit tuer sa rivale Galswinthe, que le roi des Francs avait eu le tort d’épouser. Encouragé par la barbarie du thème, D’Ollone opte pour un wagnérisme affirmé dans son ouverture, avec des dissonances alors jugées « effroyables » dans Le Gaulois et « fâcheuses » dans Le Monde musical. Après ces éclats, le calme revient vite puisque la perfide Frédégonde se fait caressante pour convaincre le faible Chilpéric (copieusement tourné en dérision par Hervé dans son opérette éponyme de 1868). Ayant obtenu gain de cause, Frédégonde se permet néanmoins un ultime cri de joie meurtrière. On aurait pu souhaiter un contraste de timbres plus marqué pour rendre l’affrontement des deux personnages féminins, entre le soprano Chantal Santon dans le rôle de la douce Galeswinthe et le mezzo très clair de Jennifer Borghi en héroïne traîtresse, mais Julien Dran campe avec vigueur et raffinement le faible Chilpéric, ancêtre des rois fainéants tiraillé entre ses deux femmes.

Mélusine semblait un sujet en or pour un bon élève de Massenet, le compositeur des enchanteresses, qui envoutent par leur beauté ou par leurs pouvoirs magiques. L’ambiance est bien différente de celle de Frédégonde, avec ce rendez-vous galant dans une forêt illuminée par le clair de lune. Frédéric Antoun est superbe et vibrant dans le rôle de Raymondin ; comme le chevalier Roland épris d’Esclarmonde, l’Eglise le somme de renoncer aux sortilèges de la belle fée qu’il aime. Celle-ci paraît pourtant bien inoffensive car elle n’a pas recours aux sortilèges de la virtuosité, traditionnellement associée aux pouvoirs surnaturels. Ce n’est pas un Evêque qui vient pourfendre la magie comme dans Esclarmonde, mais un spectre (parfait Jean Teitgen). Et bien sûr, Mélusine est définitivement perdue à la fin, Virginie Pochon chantant avec grâce ses derniers instants de présence entre les bras de Raymondin. Sujet plus massenétien encore, Clarisse Harlowe renvoyait directement au XVIIIe siècle de Manon et semblait inviter au pastiche, mais en inversant les rôles, non sans les édulcorer un peu. De séducteur perfide et violeur sans scrupules, Lovelace (très convaincant Matthias Vidal) devient une Manon mâle éprise de sa victime, tandis que Clarisse est un Des Grieux qui reproche à son amant de l’avoir trahie et abandonnée. Plus à sa place que dans le rôle de l’insinuante Frédégonde pour laquelle une voix plus sombre aurait peut-être été préférable, Jennifer Borghi emporte entièrement l’adhésion en Clarisse, où elle est toute tendresse blessée. C’est bel et bien Saint-Sulpice à l’envers quand Lovelace demande à Clarisse de se rappeler les jours passés, mais le colonel Morden, cousin de Clarisse (Andrew Foster-Williams), vient troubler ce doux entretien : cet anti-Lescaut rappelle plutôt Micaëla venant rechercher Don José parmi les contrebandiers. Un trio très agité conclut la cantate, avant l’émotion des derniers instants de l’héroïne. Le résultat est une cantate puissamment dramatique, et l’on comprend que Max d’Ollone ait poursuivi sa carrière à l’opéra avec une dizaine d’ouvrages, même si l’oubli a également englouti des titres comme Jean (1904), Le Retour (1919) ou La Samaritaine (1937) : Hervé Niquet, que rien n’arrête en matière de résurrection, a encore largement de quoi exercer ses grands talents de thaumaturge musical.

 

Sur Qobuz : 

Cantates choeurs & musique symphonique | Max d’ Ollone par Hervé Niquet

 
 

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Max D’OLLONE
Cantates, chœurs et musique symphonique
Frédégonde, cantate (1897)
Sous-bois, chœur avec orchestre (1897)
L’Eté, chœur avec orchestre (1894)
Mélusine, cantate (1896)
Pendant la tempête, chœur avec orchestre (1896)

Clarisse Harlowe, cantate (1895)
Les Villes maudites, envoi de Rome (1899)
Hymne, chœur avec orchestre (1895)
Sposalizio (1895/1939)

Chantal Santon, Virginie Pochon, Gabrielle Philiponet, sopranos
Jennifer Borghi, Marie Kalinine, Noëlle Schepens, mezzo-sopranos
Frédéric Antoun, Julien Dran, Mathias Vidal, ténors
Andrew Forster-Williams, Jean Teitgen, Joris Derder, basses

Flemish Radio Choir
Brussels Philharmonic
Direction musicale
Hervé Niquet

Enregistré au KVS et à la salle Flagey de Bruxelles, en mars et juin 2012

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