Sur le papier, l’entreprise est admirable et suscite immédiatement l’intérêt : parcourir un siècle de mélodies, à travers la diversité de la production européenne, décennie après décennie. Dans le volume 1 que publie le label Vivat, la période 1810-1820 est représentée, très majoritairement, par Schubert (16 des 32 plages !), mais l’Autrichien côtoie Fernando Sor pour l’Espagne, Viotti pour l’Italie, Beethoven et Weber pour l’Allemagne, deux obscurs compositeurs français et, à Prague, l’excellent Václav Jan Tomášek, dont nous avions eu en 2012 l’occasion de dire tout le bien qu’il est permis d’en penser. Cinq chanteurs, trois femmes et deux hommes, ont été réunis pour l’occasion, mais tout comme Schubert domine, le ténor Michael Schade écrase cette diversité de sa présence dans 21 plages. Vient ensuite Sylvia Schwartz, avec 6 plages, Ann Murray et Lorna Anderson avec 2 chacune, Florian Boesch n’intervenant que pour un Schubert. Un seul pianiste, en revanche, pour assurer la continuité du projet : Malcolm Martineau, qu’on ne présente plus. Le volume 2 est d’ores et déjà annoncé : il inclura encore du Schubert, bien sûr, mais aussi du Berlioz et du Glinka, et fera notamment appel à John Mark Ainsley, Sarah Connolly et Christopher Maltman. Entreprise à forte composante britannique, donc, ce qui n’a rien d’étonnant vu les origines géographiques de Vivat, jeune label indépendant dont ce n’est que le douzième disque.
Qu’on ne s’y trompe pas, malgré son nom, Sylvia Schwartz est espagnole, ce qui la désignait logiquement pour enregistrer les trois pages de Fernando Sor. Son statut d’élève de Thomas Quasthoff et de Julia Varady la qualifie pourtant aussi pour le Lied, et les couleurs dont elle sait parer son timbre fruité justifient amplement qu’elle soit l’artiste la plus présente sur ce disque. Peut-être même aurait-il été agréable qu’elle se substitue ici ou là à Michael Schade, dont la voix prend parfois une teinte nasale qui n’est pas la plus suave qui soit, malgré les indéniables qualités d’un interprète rompu à l’exercice, notamment une grande élégance de phrasé et une articulation exemplaire qui lui permet de ciseler les textes de Goethe réunis en bouquet pour la fin du disque. Lui revient entre autres « Ganymed », un des sommets de la production d’un Schubert de vingt ans, qui est aussi la mélodie la plus tardive de toutes celles qui figurent dans ce disque.
Pour être d’illustres inconnus, Joseph Dominique Fabry-Garat et Sophie Gail n’en sont pas moins des compositeurs pleins de délicatesse et de piquant, que Lorna Anderson interprète dans un français tout à fait correct, et d’une voix également délectable. Florian Boesch n’a à défendre que « Das Grab » de Schubert, qu’il susurre avec expressivité.
Doyenne de l’opération, Ann Murray hérite de deux mélodies de Viotti, dont une en français ; la voix a conservé une belle pureté mais ces deux courtes pages n’ont rien de très exigeant. La mezzo semble devoir être le fil rouge de cette série, puisque l’on sait déjà que, de tous les artistes ici réunis, elle sera la seule à revenir pour le volume 2.