Elina GARANCA, pour ses débuts au disque, que ce soit chez DG ou chez Virgin Classics, avait placé la barre assez haut : une belle voix de mezzo-soprano avec des aigus particulièrement faciles ; un choix d’airs variés et riches en promesses pour le futur ; enfin, une présence scénique et un rayonnement magnifiés par les photos des publicitaires. Bref, on était sous le charme et on n’était pas seul. Depuis, la carrière d’Elina a pris son envol ; des débuts au Met sont venus consacrer son entrée chez les grands.
Ce deuxième CD chez DG était donc très attendu. Or, c’est la déception qui est au rendez-vous. Le programme était alléchant, bâti autour du « Bel canto » et d’airs plus ou moins connus de Rossini, Bellini et Donizetti: à côté de tubes (Capuleti – l’air d’entrée de Romeo déjà enregistré dans son premier récital chez Ondine en 2001, alors qu’une intégrale sort concomitamment chez DG avec la Netrebko ; Tancredi, Lucrezia Borgia) ; des airs moins connus de l’Assedio di Calais ou de Dom Sebastien suscitaient la curiosité.
Avec un orchestre du Teatro comunale de Bologne sous la direction de Roberto Abbado, qui se borne à un accompagnement sonore sans personnalité, ce qui n’aide évidemment pas, ce disque véhicule un ennui profond et ce, dès le « Brindisi » de Maffio Orsini, sensé au contraire électriser l’auditeur. Tout y est scolaire et les variations réduites à leur plus simple expression, ce qui est tout de même un comble lorsque l’on intitule un CD « Bel Canto ». Il faudra manifestement songer à offrir à Elina les ouvrages de Rodolfo Celletti – qui aurait au demeurant hurlé en voyant qu’on avait mis le romantique Donizetti à la sauce du Bel Canto -. Même la cavatine de Tancredi n’exprime rien (voyez le « meritarti o perire » du récitatif…difficile de faire plus placide) et Elina pourrait aussi bien réciter le bottin que d’exprimer sa joie de retrouver Syracuse.
Dans le reste du programme, les duos ou les ensembles viennent rompre la monotonie, comme c’est maintenant souvent le cas dans les disques que les grandes maisons offrent à leurs stars, en invitant quelques « friends » pour compléter le plateau. L’initiative est heureuse car les ensembles avec Ekaterina Siurina, Matthew Polenzani, Ildebrando d’Arcangelo (peu convaincant en Talbot de luxe) et Adrian Sampetrean, sont plutôt réussis. Mais enfin, ça n’est pas l’objectif premier de ce genre de CD faire-valoir.
Pire, vocalement, la voix de la mezzo-soprano lettone apparaît terne, sourde et, en réalité, déjà fatiguée. C’est particulièrement net dans les passages cantabili de Dom Sebastien ou d’Adelson e Salvini. Certes, les aigus restent d’une grande facilité, la ligne de chant toujours belle. Mais le timbre, que l’on avait particulièrement apprécié, a quasi disparu dans ce disque, comme tous les harmoniques et le petit grésillement qui donnent le frisson et qui sont l’apanage des voies saines et bien placées (la comparaison avec Ekaterina Siurina dans le trio de Maometto II ou dans le duo de l’Assedio di Calais ne tourne pas à l’avantage d’Elina !). Dans l’interview publiée dans le livret, notre mezzo semble s’interroger sur son évolution dans le futur, vers les grands rôles spinti pour les soprani dramatiques (?). Il faut d’abord lui souhaiter de ne pas trop avoir pioché dans son capital et de faire attention à la suite… si ses agents n’y pensent pas pour elle.
En tout cas, pour revenir au CD Bel Canto, et dans une partie du même répertoire, on ne peut que conseiller de réécouter la grande Marilyn Horne dont l’hommage à Maria Malibran vient fort à propos de ressortir chez Decca. Le contraste est saisissant et c’est dommage pour la belle lettone.
Jean-Philippe THIELLAY