Chaque nouveau disque consacré à Vivaldi ou à d’autres compositeurs plus obscurs nous apporte son lot d’inédits et de « world premiere recording ». Cet estampillage inspire toujours autant de curiosité que de méfiance et parfois même, on se dit que les oubliettes de l’histoire de la musique auraient pu se passer de certaines exhumations.
Mais quand on entend The Garden of Proserpine et Fen and Flood, on remercie Albion Records, label uniquement consacré à la musique anglaise, d’avoir publié ces œuvres assez fascinantes.
La première est une cantate gargantuesque (un seul long mouvement de vingt-quatre minutes), première partition de grande envergure de Vaughan-Williams, avant son passage chez Ravel et son intérêt marqué pour la musique folklorique. Bizarrement peu considérée par le compositeur de son vivant, cette pièce est pourtant d’une remarquable facture, avec un traitement extrêmement riche de l’orchestration, dans la grande tradition de l’école germanique. Le chœur du Joyful Company of Singers se mêle à cet enchevêtrement de couleurs soyeuses en y apportant une puissante noblesse toute seyante. Le mezzo-soprano de Jane Irwin, colore admirablement de tout son prisme l’ambigu jardin des enfers de Proserpine : le magnifique poème de Swimburne est en soi une invitation à d’intenses visions surnaturelles.
Fen and Flood est divisée en deux parties comportant respectivement neuf et six petits tableaux, inspirés par les inondations meurtrières du 31 janvier 1953 qui touchèrent le Royaume-Uni, la Belgique et la Hollande. La nature déchaînée, les actes héroïques et les victimes de la tempête ont donné un impact émotionnel direct à l’écriture de Patrick Hadley. De tempérament intuitif et impulsif, le compositeur a su trouver dans cette cantate une immédiateté qui entraîne directement l’auditeur sur la scène du drame. L’arrangement pour chœur à quatre voix par Vaughan-Williams, maître de Hadley et dédicataire de l’œuvre, y ajoute encore une dimension supplémentaire. Les deux chanteurs, Mary Bevan et Leigh Melrose, défendent honorablement cette musique, tout comme eux, on ne peut plus british : le pittoresque redouté par le compositeur lui-même résonne pourtant de manière touchante.
Comme épilogue à ce disque, The Captain’s Apprentice pour baryton a capella, sur la mort cruelle d’un mousse, hante nos oreilles de son flot lancinant. Melrose y est d’une simplicité confondante.
Saluons enfin la direction subtile de Paul Daniel, à la tête du Bournemouth Symphony Orchestra,qui tient ce disque de part en part dans un répertoire où il se sent définitivement at home.