Sophia, plus vieille amie de Maria Callas, semble avoir été oubliée. Rayée de toutes les biographies, de tous les ouvrages sur la cantatrice, absente des photographies d’archives. Comme si elle n’avait pas existé. Par un habile jeu entre fiction et éléments avérés et bien connus de la vie de la diva, Sophie Rabau tente de dresser un autre portrait. Pas le cliché médiatiquement porteur d’une femme malheureuse, solitaire, dévouée à la seule musique, malaimée dans son enfance et maltraitée par ses amants, mais celui d’une femme qui, à tout moment, a eu une parfaite maîtrise de sa destinée, forgeant habilement son image médiatique pour mieux exister hors des cadres. Sophia a alors 95 ans, elle raconte son histoire à un jeune hautboïste auquel le lecteur s’identifie rapidement à coups d’adresses directes foisonnantes pour le faire entrer dans le grand spectacle, drôle, touchant, peut-être un peu absurde, de la vie réinventée de Maria Callas.
Si la collection Les Audacieuses entend « oser la fiction pour faire jaillir toute l’indocilité de figures féminines inspirantes », on reste un peu dubitatif quant à la réelle portée critique ou politique du roman. La lecture est agréable, certes, mais on n’en sort ni transformé, ni révolté ; sans perception différente du monde, malgré la manipulation de celui-ci par la fiction. Tout juste un peu rêveur, ce qui n’est déjà pas mal. Sans doute était-ce, du reste, l’objectif principal du roman : donner à voir une vie mise en scène, une vie qui ressemble à un opéra, le grand drame de la vie. Drame que l’on ne prend jamais vraiment au sérieux mais qui, imperceptiblement, rend tout de même un peu moins triste.