Cent mots à partir desquels raconter l’opéra, c’est beaucoup et c’est peu à la fois, surtout si l’on intègre à la liste des titres d’ouvrages lyriques. A l’alpha (L’Orfeo) et l’oméga (Wozzeck) du répertoire, Philippe Jordan, en collaboration avec Emmanuelle Josse, a ajouté Les Noces de Figaro, La Traviata et Tristan und Isolde. Parce que ce sont les fleurons du genre ? Pas uniquement. Pour le plaisir aussi, car il s’agit ici moins de découvrir l’univers du genre lyrique que de mieux faire connaissance avec le directeur musical de l’Opéra national de Paris. Les entrées choisies, de « abonnés » à « Wozzeck », sont d’abord prétexte à questionner Philippe Jordan sur les différentes composantes de son métier. Pudique, l’homme se prête au jeu avec un enthousiasme mesuré. Sans doute a-t-il accepté l’interrogatoire sous forme lexicale pour ne pas avoir à se confier davantage. On sent derrière chacune de ses réponses une certaine réserve : un peu de théorie, pas mal de pratique, énoncées d’un ton qui évite l’anecdote et ne laisse pas de place à l’émotion. C’est clair, net, concis, analysé et si nécessaire argumenté. Conséquence d’un tel parti-pris, le propos, s’il est pertinent, tourne vite court, tant et si bien qu’au bout du compte l’on n’apprend pas grand chose. Tout juste se promène-t-on rapidement dans les coulisses de l’Opéra de Paris à la découverte des différentes étapes de réalisation d’un spectacle. Bien évidemment, l’approche choisie empêche de suivre pas à pas le processus. Il faut voltiger d’un mot à l’autre pour reconstituer le puzzle, parfois s’égarer (était-il nécessaire de consacrer un article à Maria Callas pour aligner des lieux communs ?), souvent accepter la subjectivité du procédé (pourquoi « opérette » et pas « opéra-comique », pourquoi « chanteur », « diva » et pas « ténor », « soprano », etc.), toujours admettre la prudence à laquelle les fonctions de Philippe Jordan le contraignent (« jeunesse »). Bref, de fil en anguille, lire entre les lignes – on devrait dire entre les mots – pour décrypter la personnalité du chef d’orchestre. Dommage qu’il se montre rétif aux interviews, une conversation en bonne et due forme aurait mieux instruit que ce florilège de mots, fussent-ils comme les vierges de Charles Lecocq, au nombre de cent.