Pour La chanson d’Eve, pour Le jardin clos, pour les symboles, on reste entre femmes. Mireille Delunsch et Marie-Josèphe Jude nous proposent un choix de mélodies, alliant deux cycles de composition tardive (La chanson d’Eve et Le jardin clos) et des mélodies antérieures. Le programme est beau, évidemment; le concept attire, et l’on espère s’offrir tout un monde à l’écoute de ce récital…
Et l’enchantement prend : Mireille Delunsch est délicate sans être précieuse, semble pure sans être désincarnée. La couleur vocale est belle – parfaite, à notre sens, pour ce répertoire -, l’interprétation fouillée, sans être intellectuelle. Tout semble idéal : oui, un monde revit. Un voyage dans lequel on se trouve délicieusement entraîné, une atmosphère embaumée de roses ou de tristesses, elle trouve le ton d’un désabus passionné pour « Larmes », comme elle ravive la couleur du premier matin de « Paradis », et fait naître, à nos oreilles, à nos yeux et à notre odorat, des buissons de fleurs : oui, un univers existe. Au piano, Marie-Josèphe Jude, à la sonorité parfois un peu sèche, chemine avec tout autant d’intelligence et de musicalité… les nuances sont idéales – heure exquise -, jamais brutales. On regrette simplement quelques duretés ici et là, sans qu’elles soient rédhibitoires.
C’est assurément un voyage magnifique que nous offrent ici Mirelle Delunsch et Marie-Josèphe Jude. Difficile à objectiver, l’expérience est merveilleuse et intime, à vivre, d’autant que les enregistrements de La chanson d’Eve et du Jardin clos ne sont pas légion. Un magnifique pendant au récital Fauré de Yann Beuron.
Christophe Schuwey