La Symphonie n°2 de Gustav Mahler n’a plus besoin d’être présentée. Et pour cause, le discophile dispose de plus de 150 versions différentes de l’œuvre dont la toute première (1924), dirigée par Oscar Fried (Naxos) et les 7 gravures de son champion, Otto Klemperer ! Techniquement imparfait, l’enregistrement de William Steinberg – reconnu de son temps comme un grand mahlérien mais n’ayant eu que de très rares occasions d’immortaliser la musique du compositeur – n’en constitue pas moins une importante parution. Captée le 10 novembre 1965, cette lecture impressionne par la vision architecturale proposée. En évitant les changements de tempo extrêmes qui ont ruiné (et ruineront encore) nombre d’interprétations, Steinberg assure l’unité de chaque mouvement, y compris celle du finale. La grande attention accordée aux détails d’articulation permet à cette « Réssurection » de ne jamais tourner jamais à vide (ou presque). L’Andante moderato, plus bucolique que jamais, ne contient pas le moindre accent déplacé et évite toute lourdeur tandis que chaque dissonance du scherzo est rendue avec le poids idéal et l’intention juste.
Certes, l’orchestre de la radio de Cologne n’est pas le meilleur instrument de l’époque pour s’attaquer à cette montagne et les cuivres sont soumis à rude épreuve dans le cinquième mouvement. Certes, les chœurs entrent un rien trop tôt lors de leur première intervention. Certes, Anny Delorie n’est pas la plus irréprochable des contraltos, loin s’en faut (sa tendance à attaquer les notes par le bas agace, son vibrato est encombrant et elle ne semble pas toujours savoir où elle va). Mais il faut reconnaître à la masse chorale une ferveur rarement entendue, à la soprano Stefania Woytowicz un avantage certain sur sa malheureuse collègue et au chef une vision parfaitement équilibrée entre radiographie analytique et expressivité sincère (grâce à un art consommé du rubato – presque – toujours utilisé à bon escient). D’un point de vue purement vocal, on trouvera des dizaines de versions plus parfaites. Cependant, musicalement parlant, on reçoit cet enregistrement comme le témoignage aussi important que rare de l’art d’un immense mahlérien. Sachons gré au label ICA Classics de le mettre à notre disposition et plaçons-le à une place de choix dans notre discothèque.