Le titre est prometteur et bienvenu, particulièrement en ces temps difficiles où la musique à l’école se réduit à fort peu de chose quand ce n’est au silence, alors que nous en avons tant besoin. La notion d’œuvre est limitée à l’activité d’écoute d’œuvres enregistrées, éliminant ainsi de son champ de recherche tout ce qui relève d’une authentique pratique musicale. « Un processus dynamique et social », le sous-titre, interroge, restreignant encore le domaine d’étude.
L’auteur, enseignant-chercheur à l’INSPE (ex IUFM) de Toulouse, s’est spécialisé dans la recherche relative à l’éducation musicale à l’école. Truffé de citations, en fonction du projet, l’ouvrage est structuré en trois parties. La première est centrée sur l’activité d’écoute d’œuvres dans le cadre scolaire. Son cadre, ses pratiques, ses objectifs réglementaires sont rappelés. La deuxième rend compte d’une expérimentation, visant à faire émerger les représentations de l’œuvre écoutée, et mérite un examen attentif. Trois œuvres, ou plutôt courts fragments, ont été choisis (*). Cinq auditions, séparées de moments d’échanges, de confrontation, de « négociation », par petits groupes constituaient le protocole. Deux groupes d’auditeurs « novices et experts » étaient invités à s’exprimer et partager le fruit de leurs observations. Une analyse détaillée en est conduite par l’auteur. Celle-ci rejoint ce que l’on savait de longue date, à savoir que novices et experts entendent la musique de façon comparable, sinon similaire (**). La troisième partie, intitulée « vers un modèle psycho-sociologique de l’écoute des œuvres à l’école » accrédite le souhait de l’auteur que ses observations conduisent nombre d’enseignants à en adopter la démarche.
La langue, malaisée, porte davantage l’empreinte du jargon des psycho-pédagogues que de celui des neuro-sciences, malgré les contributions essentielles d’Emmanuel Bigand. Les 17 pages de l’indigeste bibliographie pour 267 pages d’un texte aéré – liste oublieuse des riches travaux anglo-saxons – ressemblent fort à un alibi de prétention scientifique.
Une large part des problématiques est éludée, qui conditionnent l’écoute. Passive ou active ? Les conditions de cette dernière ? Les approches préconisées ? La pratique décrite, chronophage, pour des résultats discutables, est-elle purement expérimentale, ou, au contraire, correspond-elle à ce qui est attendu des enseignants ? L’activité d’expression verbale individuelle, la recherche de l’enrichissement du vocabulaire peuvent-elles, seules, justifier la démarche ? Car c’est bien là la thèse défendue par l’auteur : « la richesse d’une rencontre avec l’œuvre à l’école dépend de la quantité et de la qualité des questions que génère cette rencontre dans la communauté des auditeurs… » Le bénéfice sensible, cognitif et comportemental paraît mince au regard de l’activité et de sa durée. Le lecteur reste largement sur sa faim.
(*) début du prélude du célébrissime Te Deum de Marc-Antoine Charpentier ; Clin d’œil à Jean de La Fontaine, de Jacques Lejeune (1993) ; début de la troisième des Petites liturgies de Messiaen.
(**) D’autant plus que les « experts » le sont fort peu. Les graves lacunes des étudiants en « master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, éducation musicale » ne laissent pas d’inquiéter et traduisent bien la perte des fondamentaux sans lesquels toute construction paraît vaine. Oserai-je affirmer que nombre d’élèves musiciens de terminale ayant choisi l’option facultative du baccalauréat des décennies passées auraient été en mesure de formuler des observations beaucoup plus riches et d’argumenter de façon solide, bien que ne se destinant pas à transmettre la musique ? Désespérant constat.