Au faîte de sa gloire, Louis XIV faisait organiser par Lully, à Versailles, des fêtes fastueuses où se mêlaient musique, danse, chant, théâtre et bonne chère. Le souvenir nous en est parvenu par la gravure et par quelques espaces préservés dans le parc, mais aussi par la plupart des œuvres qui y furent jouées. S’il n’y avait eu le théâtre, on en serait resté à des thèmes classiques peu novateurs, où règnent essentiellement bergers et moutons, dont Molière se moque dans Le Bourgeois Gentilhomme. « Sont-ce encore des bergers ? » soupire Monsieur Jourdain au premier acte, et le maître à danser de lui répondre, passablement agacé : « C’est ce qu’il vous plaira ! ». En ce 15 juillet 1668, on retrouve dans la musique de La Grotte de Versailles et de George Dandin ces mêmes sources d’inspiration, avec de nombreux « airs et rondeaux pour les bergers », et « Goutons bien les plaisirs, bergère »…
Pourtant, rien d’ennuyeux dans cet enregistrement qui étincelle de mille feux, surtout grâce à l’interprétation brillante et variée de Gaétan Jarry et de l’ensemble Marguerite Louise. Orchestre aux belles sonorités, chœur et solistes aux respirations justes, rebonds bien en place, voix toutes belles et égales qui donnent des ensembles d’une grande unité. On doit louer tout particulièrement une prononciation d’excellente qualité, le tout mis en valeur par un enregistrement d’une parfaite clarté.
Bien sûr, autant La Grotte de Versailles est un divertissement qui se suffit à lui-même du point de vue musical, autant l’on peut regretter de ne pas avoir la pièce George Dandin intégralement, surtout du fait qu’il s’agit ici de la musique du spectacle récemment mis en scène par Michel Fau et produit par Les Bouffes du Nord, et qui après des interruptions doit être à nouveau présenté prochainement. Car alors que la pièce n’offre guère de personnages sympathiques, c’est paradoxalement grâce à la musique et au chant que l’on trouve un côté léger et plaisant plus souriant. Ce qui démontre combien, comme pour Le Malade imaginaire, il est important de donner la pièce avec son accompagnement musical, même s’il s’agit plus d’une farce grinçante et désabusée avec divertissements chantés et dansés que d’une véritable comédie-ballet.
Cerises sur le gâteau, en introduction la « Marche pour les gardes du Roi » de Claude Babelon, et au fil du concert, trois morceaux extraits de Psyché, la fameuse – et plutôt méconnue – tragédie ballet de Molière, Pierre Corneille, Quinault et Lully (1671), après laquelle ce dernier, englué dans ses prétentions hégémoniques, cessera de collaborer avec Molière.
Un important livret d’une centaine de pages, avec des textes en français, anglais et allemand, propose de nombreuses petites études synthétiques agréables à lire, ainsi que le texte des interventions chantées également en trois langues.
Un CD original et précieux, idéal pour un cadeau de fin d’année.