Giulio Prandi et son Ghislieri Choir & Consort nous proposent deux œuvres en « première mondiale », une messe en ré et un grand motet, qui constituent autant de découvertes. On ne prête qu’aux riches, aussi attribue-t-on à Pergolèse beaucoup plus d’œuvres qu’il n’en a écrites durant sa brève carrière. Ici, tout est sérieusement documenté. Cette Messe en ré fait partie des deux authentifiées avec certitude. Elle ne se limite pas au couple Kyrie – Gloria selon le modèle napolitain du temps, mais est une ample construction d’un réel intérêt, sans toutefois rivaliser avec la messe en si de Bach, son exacte contemporaine. C’est l’œuvre d’un jeune homme de 17 ans, dont l’extraordinaire maîtrise est admirable.
Musique largement décorative, expressive à souhait, on est dans le style galant, dont relèveront encore la plupart des messes de Mozart, un demi-siècle plus tard. Le Kyrie, contrasté, dramatique, est puissamment entonné sur une septième diminuée. Le Christe recourt à une double fugue (comme le Cum sancto spirito), et surprend heureusement dans ce contexte napolitain. La rigueur contrapuntique fait bon ménage avec des airs qui préfigurent ceux de la génération suivante. Le Domine Deus nous vaut un beau duo soprano et alto. Le Qui tollis, contrasté, ponctué de silences dramatiques, interrogatifs, ménage aussi une douceur radieuse. Les arias de soprano, (Laudamus te, Quoniam tu solus sanctus), malgré le vibrato et une ponctuelle instablilité, sont remarquables. Toujours l’expression lyrique abolit les frontières entre la scène et l’autel.
A côté du célébrissime Stabat mater de 1736, Pergolèse nous laisse une production religieuse conséquente. Le Motetto « Dignas laudes resonemus » est une œuvre importante par ses proportions, par les moyens requis (double-chœur à 5 voix, double orchestre de cordes, hautbois et trompettes par deux) et par l’invention renouvelée. La version enregistrée s’appuie sur les recherches musicologiques les plus récentes. Le motet, fondé sur des textes de dévotion mariale, rejoint fréquemment l’expression du Stabat mater. Chœurs, récitatifs, airs et duos s’enchaînent, variant les formes et le caractère. La sinfonia d’introduction, aux trompettes festives, où un duo de voix de femmes dialogue avec un chœur homophone, est éclatante, chaleureuse. L’expression en est très extériorisée. Les arias et récitatifs fleurent bon l’opéra napolitain par leur vocalité séduisante. Leur écriture, brillante, anticipe largement les œuvres de Michael Haydn et de Mozart. Le motet s’achève sur un chœur jubilatoire, rehaussé par l’éclat des trompettes.
L’intérêt de cet enregistrement réside dans la révélation de ces deux œuvres, stylistiquement très proches, caractéristiques de la musique sacrée de la cour de Naples. Elles confirment la maturité précoce de Pergolèse, et sont illustrées ici avec conviction par des interprètes de qualité.
Livret trilingue (anglais/français/italien), comportant une présentation détaillée des œuvres, dont la version française est déplorable, hélas. Les textes chantés, latins, sont traduits dans les trois langues.