Désirée Records poursuit son entreprise de redécouverte des chanteurs australiens avec ce nouvel album consacré à Marie Collier. Né en 1927, ce soprano eut une carrière particulièrement courte car brutalement interrompue par une mort aussi stupide qu’accidentelle. Au retour d’une soirée un peu trop arrosée, Marie Collier revient à son appartement en laissant son mari avec les autres convives. Il ne fait pas particulièrement chaud, mais très humide. Collier ouvre la fenêtre du salon, un peu dure. Pour cela, il faut forcer et se pencher par dessus le radiateur en applique. On la retrouvera au pied de l’immeuble et elle décédera quelques heures plus tard au Charing Cross Hospital à l’âge de 44 ans. On évoquera l’hypothèse d’un suicide, mais rien ne justifie un tel geste chez cette mère de trois enfants qui venait justement d’évoquer ses futures prises de rôles lors de ce dîner.
Le répertoire de Marie Collier est celui d’un soprano dramatique. Toutefois, la voix est plus lyrique que celles auxquelles nous sommes habitués dans ce type de rôle, avec un léger vibratello qui rappelle Pilar Lorengar, avec la même capacité expressive. Collier, c’est un frémissement à fleur de peau, une artiste qui donne l’impression de se consumer sur scène. Les larges extraits de Tosca valent à eux seuls l’acquisition de ce CD, d’autant que son partenaire est ici Tito Gobbi. Tous les passionnés de cet ouvrage devraient découvrir cette exceptionnelle interprétation : tout semble naturel, couler de source, et pourtant : quel travail pour arriver à une telle justesse du mot, à des effets parfois inédits. On rage de lire que les bandes originales ont été détruites pour servir de remblais à des autoroutes et on rêve que l’intégrale de cette représentation soit publiée, d’autant que Donald Smith, sans avoir un timbre particulièrement agréable, est un Mario de grande valeur. Ajoutons à cela que l’orchestre de l’Opéra d’Adélaïde est placé sous la baguette experte du vétéran Carlo Felice Cillario, qui dirigea cette même Tosca à Londres quatre ans plus tôt, en 1964, avec Maria Callas et … Tito Gobbi. Puccini semble d’ailleurs être le compositeur de prédilection de cette chanteuse, remarquable dans les extraits de La Bohème (elle interprète ici les rôles de Musette et de Mimi), de Turandot (Liu) de Manon Lescaut et de La Fanciulla del West. Bizarrement, les deux extraits de Cavalleria Rusticana (« Voi la sapete, o Mamma »), capté à deux occasions) témoignent d’une voix usée : et pourtant, il s’agit d’interprétations datant des mêmes années. Autre surprise avec sa Gutrune du Crépuscule des Dieux, datant de 1963. Dans ce rôle plus grave, excellemment interprété, on a l’impression d’entendre une autre chanteuse tant la largeur de la voix est ici évidente, à l’opposé des envolées lyriques de témoignages de la même période. Les Verdi sont bien chantés, mais à l’époque la concurrence ne manquait pas pour ce répertoire et Collier, sans être indigne, se situe en dessous des grandes pointures contemporaines. Beaucoup plus intéressants sont les extraits (en anglais) de La Dame de Pique, de L’Affaire Makropoulos, de Karina Ismailova (seconde mouture de Lady Macbeth de Mtsensk) ou du Consul, où le tempérament dramatique de Collier emporte tout sur son passage. Marie Collier aura aussi défendu le répertoire contemporain avec Troilus & Cressida de William Walton et King Priam de Michael Tippett dont nous confesserons que nous ne sommes pas fans. L’album se termine par un extrait de l’opérette Perchance to Dream enregistrés à l’époque des débuts radiophoniques de Collier. L’air magnifique, mais on reste encore une fois étonné de la versalité de cette chanteuse, tout à fait à l’aise dans cette tessiture un peu grave.
Tirés de bandes radio et de quelques rares enregistrements en salle, les extraits sont d’une qualité sonore tout à fait correcte.