Estampillé des prestigieuses armoiries du Royal Philharmonic Orchestra, cet album Haydn a tout pour attirer l’œil du mélomane dans les rayons d’un disquaire. Le design est soigné, la facture anglaise (et donc mieux renseignée que quiconque sur la musique du compositeur), et le couplage Mass in Time of War et Nelson Mass réunit deux monuments du répertoire sacré. C’est pourtant la sensation de trop peu qui prédomine une fois l’écoute terminée. Analysons les causes de cette occasion manquée.
C’est avant tout le quintette de solistes qui peine sérieusement à nous convaincre. Grace Davidson, soprano dans la Paukenmesse (autre nom de la Mass in Time of War), n’offre rien de particulier. La voix est belle et fraîche, mais l’interprétation est réduite au strict minimum, soulignant un manque de projection des consonnes déjà latent. C’est Rachel Nicholls qui prend son relais dans la Nelson Mass, dans une interprétation déjà plus vivante et investie, mais où un manque de justesse vient gâcher un beau timbre, et où les consonnes manquent toujours à l’appel. Les interventions discrètes du mezzo d’Anna Harvey sont honorables, même si on sent que la voix a des difficultés à se mouvoir dans les passages rapides. Le ténor Mark Wilde est quant à lui mis en difficulté par son registre aigu, sensation de malaise hélas partagée par l’auditeur. Ashley Riches se voit déjà chanter le Requiem de Verdi, tant le pathos est poussé jusqu’à l’extrême. Dans les solos de basse du « Qui tollis » des deux messes, l’atmosphère de recueillement est abandonnée au profit d’expansions ampoulées vers un registre aigu pourtant fragile.
A ces ensembles disparates se greffe un Royal Philharmonic Orchestra déjà bien au-dessus, mais qui ne gagne pas pour autant notre satisfaction pleine et entière. Irréprochable techniquement, doté d’un solide son de groupe comme d’une balance des pupitres équilibrée, c’est du côté de l’investissement que le bât blesse. La direction de Hilary Davan Wetton (un homme, comme son nom ne le laisse pas deviner) ne manque pas de clairvoyance, mais elle conserve une froideur routinière, passant à côté des nombreuses curiosités orchestrales et langagières des deux partitions. Enfin, soulignons des choix de registres pour le moins curieux des solos d’orgues.
Le City of London Choir est peut être le seul élément de cet enregistrement ne décevant pas ses auditeurs. Il peut être vu comme un équivalent britannique au Chœur de Paris : un ensemble fait d’amateurs chevronnés se produisant régulièrement avec des formations professionnelles. Le résultat est celui que l’on pourrait attendre d’un chœur non-professionnel se confrontant à ces deux messes faisant la part belle aux interventions chorales. Malgré certaines voyelles très ouvertes (les « è » ou « a ») et des intonations parfois approximatives (surtout dans la Nelson Mass, bien plus exigeante techniquement), on sent que les choristes sont suffisamment à l’aise dans leur partie pour en communiquer l’enthousiasme à l’auditeur, qualité qui n’était pourtant pas donnée à tous les interprètes de cet album.