Le récital-carte de visite pour baryton a beau rester un exercice rare, comparé aux innombrables disques de ténors et de sopranos, il n’en est pas moins pratiqué régulièrement par des artistes souvent prompts à démontrer leur capacité à chanter les airs les plus spectaculaires de Verdi ou à assumer crânement de longs monologues wagnériens. Pour son premier album, Huw Montague Rendall a le mérite d’innover. Le jeune baryton britannique, acclamé pour son Pelléas debussyste mais également remarqué par notre collègue Jean-Michel Pennetier dans des extraits du Barbier de Séville et de Don Pasquale lors du concert d’adieux d’Antonio Pappano à Londres, interprète dans son premier album, Contemplation, des pages de Mozart et de Gounod, de Britten et d’Ambroise Thomas : un hymne à la versatilité, moins contemplatif que résolument engagé.
Car l’extrait d’Hamlet qui ouvre le programme présente d’emblée Huw Montague Rendall en héros romantique, plus vigoureux qu’éthéré, moins velléitaire qu’assoiffé d’action. La clarté et la jeunesse du timbre ne portent aucune trace de naïveté ou d’irrésolution ; tout au contraire, cette voix lumineuse, remarquablement homogène sur toute sa tessiture, accueille un formidable talent d’interprète. La vis comica de Papageno, la noblesse sans grandiloquence de Valentin, la volubilité toujours pleinement musicale de la ballade de la Reine Mab, prise avec la retenue qui permet d’en admirer les développements mélodiques, séduisent d’emblée. Mais il en va de même de ce Messager poétique comme du Debussy, de cette « Chanson triste » de Duparc au lyrisme soigneusement dosé, de cet extrait de Billy Budd d’une infinie délicatesse, de ces Mahler sans affectation, où la science du legato et l’intelligence du phrasé laissent tout simplement venir l’émotion – écoutez comment sont menés les changements d’atmosphères dans « Wenn mein Schatz Hochzeit macht » : un modèle d’intelligence !
Evidemment, si tout cela est possible aussi parce qu’un chef et un orchestre magnifient le projet. A plusieurs reprises, on a pu mesurer ce que Ben Glassberg avait apporté aux musiciens de l’Opéra de Rouen-Normandie. On le constate encore avec cet enregistrement : les nuances apportées à la musique de Gustav Mahler, les cordes rutilantes dans l’extrait du Carousel de Richard Rogers servent, bien plus qu’à seconder, mais à faire éclore et à susciter toute l’expressivité du chanteur. Il n’y a qu’à écouter les quelques secondes du récitatif accompagné qui précède l’air du Comte Almaviva dans Les Noces de Figaro pour comprendre comment, à l’aide d’un silence un peu insistant et de quelques coups d’archet bien placés, on peut dessiner un décor de théâtre. Une maîtrise pareille, l’auditeur ne se lasse pas de la contempler !