Boucles au vent, voiles et rubans de mise, mi gamine, mi vamp, créature évanescente tout droit sortie d’une publicité pour cosmétique, ou d’une séance photos supervisée par David Hamilton, adepte du fameux flou artistique, Anna Netrebko n’est plus une cantatrice, mais un produit. Packaging ridicule et coûteux, programme aussi hétéroclite qu’improbable, ses « Souvenirs » ratissés large, montrent les dérives et espérons-le les limites, d’une certaine production discographique actuelle.
Que la femme soit jolie, ce n’est pas une nouveauté, mais vouloir en faire une gravure de mode n’apporte rien, l’insistance et le mauvais goût avec lesquels est réalisé cet objet, transformant l’essai en catastrophe. Musicalement c’est un désastre : ce qui pourrait passer pour du charme, est tellement appuyé qu’il se retourne contre celle qui pense être sensuelle et n’apparaît que chichiteuse et minaudante. A titre d’exemple, celui qui n’a pas compris où elle voulait en venir dans « Im Chambre séparée » ne peut être que sourd et aveugle. A vouloir aborder tous les genres, dans toutes les langues – on se réjouit que la belle n’ait pas passé des vacances dans le Limousin, sinon nous aurions eu droit à Canteloube ! » – Anna Netrebko peine à restituer l’esprit des œuvres et reste totalement indifférente aux textes qu’elle prononce souvent mal, sans y croire, distante et finalement hermétique. La diction cotonneuse, l’émission émolliente et le timbre nébuleux, gagneraient à être corrigés par un véritable coach et un chef digne de ce nom. Hélas tous ceux qui l’entourent ne sont que des faire-valoir, tout entiers à sa dévotion. A fuir.
François Lesueur