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Jakub Józef Orliński : Beyond

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CDSWAG
6 octobre 2023
Flamboyant !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Détails

Monteverdi

L’Incoronazione di Poppea, Acte 1: « E pur io torno qui » (Ottone)
« Voglio di vita uscir », canzone a voce sola (SV 337)
Kapsberger
Libro quarto d’intavolatura di chitarone (ext.)
Caccini

Le Nuove Musiche, ext.: « Amarilli, mia bella »
Frescobaldi

Primo libro d’arie musicali: 16. « Così mi disprezzate », aria di passacaglia
Strozzi
Cantate, Ariette e Duetti, Op. 2: « L’Amante consolato »
Cavalli
*Pompeo Magno, Acte 2: « Incomprensibil Nume » (Pompeo Magno)
Von Kerl
l
Sonata pour 2 violons et continuo en fa majeur
Saracini
Le Seconde Musiche, n°11: « Udite, lagrimosi spirti d’Averno »
Pallavicino

*Demetrio, dramma per musica (1666)
Sinfonia
I Grave
II Affettuoso
III Presto
IV Adagio
Cappellini
Raccolta di Ariette: « Chi vuol ch’il cor gioisca »
Netti

La Filli (La moglie del fratello), melodramma
Acte 2: « Misero core » (Berillo)
Acte 2: « Datti pace,Berillo…Sì sì sì scioglia sì (Berillo)
Acte 2: « Ah che miei voi non siete (Berillo)
Acte 2: « Dolcissime catene » (Berillo)
Sartorio 

*Antonino e Pompeiano, Acte 3: « La certezza di sua fede » (Pompeiano)
Netti

*L’Adamiro, Acte 1: « Quanto più la donna invecchia (Crinalba)
Marini

Scherzi e Canzonette, Op. 5: « La vecchia innamorata » (instrumental)
Netti

*L’Adamiro, Acte 2: « Son vecchia, pazienza » (Crinalba)
Bernabei

*Il segreto d’amore in petto del Savio (1690), Acte 3: « A battaglia su mio core » (Eugerio)
Jarzebski

Concerto a 3 voci e continuo: Tamburetta
Vitali

*Donde avvien che tutt’ ebro di vera gioia, cantate pr contralto
Sinfonia
« Donde avvien che tutt’ ebro di vera gioia » (récitatif)
« Nell’anglica sede vessillo di fede » (aria)
« Maria germe real del tronco estense » (récitatif)
« Frema l’Erebo adirato » (aria)
« Ma di fatti si, degni » (récitatif)
« Se nunzia fedel con tromba sonante » (aria)
Pollarolo

*La costanza gelosa negl’amori di Cefalo e Procri, dramma per musica (1688)
Acte 3: « Come allor che più densi (Mercurio)
Acte 3: « Son tanto avvezzo a piangere (Mercurio)
Moratelli

La Faretra smarrita, serenata (1690): « Lungi dai nostri cor » (Amore)

*Pièces jamais enregistrées

Jakub Józef Orliński, contre-ténor
Il Pomo d’Oro

Consultant musical : Yannis François
Producteur musical : Ken Yoshida

1 CD Erato
Durée: 82′ !!!
Enregistré à Padoue, Sala della Carità
14-22 décembre 2022

Parution 6 octobre 2023

Récital généreux, profus, miroitant… et bien sûr charmeur, comme l’est en scène Jakub Józef Orliński. Qui, de peur sans doute de n’être pas assez aimé, surenchérit d’œillades, de sourires assassins, d’entrées et sorties bondissantes. Il devrait pourtant le savoir, qu’il est irrésistible…

Et en plus, il chante. Et bien. De mieux en mieux, disent certains. On leur fait confiance. Il est de fait que la voix semble avoir gagné en assurance dans le registre grave, mais surtout qu’elle garde, outre son brio, ce qui séduisit dès le début : la présence. Quelque chose d’ardent, d’habité, d’engagé, qui, au-delà de la maîtrise et de la virtuosité, emporte l’adhésion, accroche l’oreille, intéresse.

L’album s’environne de l’iconographie glamour désormais associée au jeune homme et répond (?) à son énigmatique sous-titre : Beyond. Au-delà de quoi, on ne sait trop. L’essentiel est en tout cas au-delà de ces trucs de marketing.

Consacré aux répertoires napolitain et vénitien, ce récital alterne des pièces étincelantes, acrobatiques ou piquantes et des séquences plus tendres, élégiaques, amoureuses – qui sont à notre avis les plus inspirées.

Ajoutons que l’ensemble Il Pomo d’Oro, qui fonctionne ici sans chef, rivalise d’engagement, de feu, de précision, d’accent, d’électricité avec le chanteur, et que les choix de couleurs orchestrales sont d’une ingéniosité constante.
Les changements de tempo et l’insertion de plages instrumentales à effectif minimal (un théorbe solo pour Kapsberger), chambriste (la Sonata de Kerll) ou orchestral (la Sinfonia de Pallavicino) font de l’ensemble une manière de divertimento qu’on peut écouter dans sa continuité.

© Festival de Paris
© DR

On verra ci-contre, en comptant les astérisques, que nombre des pièces choisies sont inédites au disque, et qu’on retrouve dans ce programme baladeur la patte complice de Yannis François, grand dénicheur et esprit curieux. On avouera que plusieurs des compositeurs ici présents nous étaient inconnus ou assez mystérieux. Ainsi Giovanni Cesare Netti (1649-1686), particulièrement représenté, qui fut maestro di cappella au Tesoro di S. Gennaro (la chapelle de Saint Janvier, protecteur de Naples) et auteur de melodramme et serenate, ou Giovanni Battista Vitali, mieux connu pour ses pièces pour violon qui anticipent Corelli, ou Giuseppe Antonio Bernabei (1649-1732), qui fit carrière à la cour de Munich et fut prolifique en messes, cantates et opéras. Passons sur les Moratelli, Saracini (dilettante siennois dont on sait peu de choses), Pollarolo (Vénitien, auteur de 73 opéras), ou le Polonais Adam Jarzebski (violoniste, architecte royal et poète), c’est en somme l’esprit d’un moment, entre maniérisme et baroque, qui se donne à entendre, dans la suite des inventions monteverdiennes.

© Honorata Karapuda
© Honorata Karapuda

Maturité…

Et justement c’est avec l’aubade d’Ottone, « E pur io torno », extraite de L’incoronazione di Poppea, que s’ouvre l’album. D’abord élégie amoureuse de l’amant de Poppea, toute en longues tenues voluptueuses (sur « Caro tetto »), en ornements et en mélismes sensuels (sur « sogni », sur « volo », sur ali »), menée d’ailleurs sur un tempo plutôt vif et entrecoupée des ritornelle aux instrumentations changeantes d’Il Pomo d’Oro, elle change de climat quand Ottone s’aperçoit que des soldats l’empêchent de passer et comprend que Nerone occupe sa place dans le lit de Poppea. Orliński joue la situation et les mots, il transforme les couleurs de sa voix qui s’insurge et se fait virulente, dynamise sa diction, mais sans perdre sa ligne. Chant non seulement maîtrisé, mais expressif – et on pourra dire cela de l’ensemble des pièces de ce disque, et notamment des lamenti.
À signaler une trouvaille de JJO ou de Yannis François : comme l’air se termine de façon abrupte pour enchaîner avec la scène des soldats, ils ont imaginé de placer là, en guise de post-scriptum più animato, la canzone a voce sola « Voglio di vita uscir », virevoltante et échevelée, striée par d’ombreuses modulations et de vastes coloratures incendiaires. Un ultime épisode d’une poignante mélancolie met un point final à cette séquence virtuose, où c’est seulement par la versatilité des moyens vocaux employés que JJO suggère les états d’âme changeants du personnage.

Ruggiero dans Alcina, Aix-la-Chapelle 2014 © Wil van Iursel

… et aboutissement

Émouvante, la limpidité du timbre dans la célèbre canzone « Amarilli, mia bella » de Giulio Caccini (1601), madrigal aussi simple que sensible, accompagné par le luth pudique de Miguel Rincon : maîtrise des notes hautes et du crescendo-decrescendo, dépouillement, simplicité des moyens, délicatesse des mélismes, tout cela donne un sentiment de maturité et d’aboutissement.
Juste après, une autre pièce fameuse, l’aria di passacaglia « Cosi mi disprezzate » (1630) de Frescobaldi, ébouriffante d’aisance désinvolte, est un festival d’affetti contrastés, comme un opéra en raccourci.
De même que le sublime « L’amante consolato » de Barbara Strozzi (1651), où c’est la longueur de la voix qui étonne, ces graves solides, mais aussi la puissance assumée, les vocalises à pleine voix, les changements d’agogique, l’intensité du sentiment.
Non moins ardent et frémissant, l’air « Incomprensibil nume » de Cavalli (1666) semble procéder de la même violence intérieure, d’un romantisme désespéré avant l’heure, d’un pathétisme voluptueux… Oxymore combien baroque…

Stile fantastico

C’est un filon que JJO creuse encore avec l’aria « Udite, lagrimosi spirti d’Averno » de Saracini (1620) sur un texte de Guarini, qui a inspiré aussi Marenzio et Jachet de Wert : de longues notes tenues sans vibrato, puis des fusées qui jaillissent vers l’aigu, d’impressionnantes vocalises descendant vers des graves insoupçonnés (passage éclair en voix de poitrine, sans couture apparente…), trilles et longues lignes, transparence du registre élevé, surtout un expressionnisme assumé (sur les riches couleurs d’Il Pomo d’Oro) qui fait penser au « Possente spirto » d’Orfeo.

© Jiyang Chen

Particulièrement intéressante la scena extraite de l’acte 2 de La Filli (ou La moglie del fratello) de Netti, opéra en trois actes créé au Teatro di Casa Capello à Naples pendant le Carnaval de 1682. C’est un lamento amoureux d’une structure complexe où alternent de languides plaintes en canto spianato et des récitatifs où Berillo se morigène lui-même sur un tempo plus vif. Il faut saluer ici l’inventivité de la réalisation d’Il Pomo d’Oro, la partition n’indiquant, et d’ailleurs succinctement, que les ritournelles. Pour le reste, c’est aux musiciens de colorer le continuo et de choisir l’orchestration des arie. De même que c’est au contraltiste d’ornementer les notes indiquées ou de varier ad libitum les phrases reprises. Orliński y fait se succéder le chant agitato et la morbidesse de longues phrases moroses. Nul recours à la virtuosité ici, mais le libre déploiement d’un beau chant sensible.

Escapade vers le buffo

Non moins méconnu, toujours de Netti, le melodramma en trois actes, L’Adamiro, représenté en 1681 au Real Palazzo de Naples. C’est la vieille Crinalba qu’incarne ici JJO, dans un registre buffo typiquement napolitain où il s’amuse. Dans un premier air, d’ailleurs écrit très bas, elle se plaint qu’il marito devienne beaucoup moins pressant avec la vecchia qu’avec la ragazza d’autrefois, et Orliński très en verve la joue Carabosse à souhait.
L’autre aria de Crinalba, « Son vecchia, patienza », est très différente. C’est un lamento et, si l’on se rapporte à la partition, on voit avec quel goût le contre-ténor enrichit d’ornements, de colorature, de notes tenues de son cru une ligne vocale en valeurs longues très simple. Joli travail de co-création avec le compositeur très dans l’esprit du bel canto naissant, qui s’appuyait sur le savoir et la sensibilité des interprètes. Et on en dira autant des instrumentistes, et du premier violon Alfia Bakieva, qui trouvent de belles couleurs moirées pour le très nostalgique postlude.

Euridice au TCE avec Jakub Jozéf Orlínsky © D.R.
Orphée au TCE (septembre 2022) avec Regula Muhlemann © Vincent Pontet

Il en va autrement pour « Donde avvien che tutt’ebro », longue et virtuose cantate du compositeur de Modène Giovanni Battista Vitali, datée du 3 Mai 1685 et dédiée « alla Regina d’Inghilterra, Beatrice d’Este ». Ici tout est noté et chaque vocalise précisée, et Dieu sait qu’il y en a. La voix ne cesse de courir de bas en haut dans cette pièce de bravoure, démonstration acrobatique d’une baroquerie spectaculaire de substance assez mince, mais qu’Orliński dévore avec une impavide aisance. C’est l’une des pièces brillantes de cet album, extraverties et scintillantes, celles de Cappellini, Sartorio ou Bernabei (où la voix rivalise de trilles avec d’éclatantes trompettes), dont il ne fait qu’une bouchée. Plages rapides indispensables dans un album aussi intelligemment composé.

Mais on avouera être plus sensible au dialogue entre la voix et le clavecin volubile d’Alberto Gaspardo dans l’extrait de La costanza gelosa negl’amori di Cefalo e Procri (Vérone, 1688) de Pollarolo, lui-même d’abord chanteur. Aria con clavicemballo solo, comme l’indique la partition, on y remarquera notamment la reprise da capo enrichie de fioritures élégantes.

Quant à l’air ultime, « Lungi dal nostri cor », extrait de La faretra smarrita (1690), de Moratelli, qui fut enregistré jadis très gentiment par Verena Krause, JJO en fait un puissant lamento aux couleurs désespérées, vibrant, pathétique, aux longues notes filées déchirantes. Le superbe postlude orchestral est à l’unisson, riche de texture autant que d’expression.

Une brillante réussite décidément, aussi bien pour le chanteur, très inspiré par ce répertoire opératique, que pour Il Pomo d’Oro, nerveux, bigarré, inventif. Sans oublier, un peu dans l’ombre (et donc ramenons-le dans la lumière), Yannis François, maître d’œuvre de ce projet.

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L’Incoronazione di Poppea, Acte 1: « E pur io torno qui » (Ottone)
« Voglio di vita uscir », canzone a voce sola (SV 337)
Kapsberger
Libro quarto d’intavolatura di chitarone (ext.)
Caccini

Le Nuove Musiche, ext.: « Amarilli, mia bella »
Frescobaldi

Primo libro d’arie musicali: 16. « Così mi disprezzate », aria di passacaglia
Strozzi
Cantate, Ariette e Duetti, Op. 2: « L’Amante consolato »
Cavalli
*Pompeo Magno, Acte 2: « Incomprensibil Nume » (Pompeo Magno)
Von Kerl
l
Sonata pour 2 violons et continuo en fa majeur
Saracini
Le Seconde Musiche, n°11: « Udite, lagrimosi spirti d’Averno »
Pallavicino

*Demetrio, dramma per musica (1666)
Sinfonia
I Grave
II Affettuoso
III Presto
IV Adagio
Cappellini
Raccolta di Ariette: « Chi vuol ch’il cor gioisca »
Netti

La Filli (La moglie del fratello), melodramma
Acte 2: « Misero core » (Berillo)
Acte 2: « Datti pace,Berillo…Sì sì sì scioglia sì (Berillo)
Acte 2: « Ah che miei voi non siete (Berillo)
Acte 2: « Dolcissime catene » (Berillo)
Sartorio 

*Antonino e Pompeiano, Acte 3: « La certezza di sua fede » (Pompeiano)
Netti

*L’Adamiro, Acte 1: « Quanto più la donna invecchia (Crinalba)
Marini

Scherzi e Canzonette, Op. 5: « La vecchia innamorata » (instrumental)
Netti

*L’Adamiro, Acte 2: « Son vecchia, pazienza » (Crinalba)
Bernabei

*Il segreto d’amore in petto del Savio (1690), Acte 3: « A battaglia su mio core » (Eugerio)
Jarzebski

Concerto a 3 voci e continuo: Tamburetta
Vitali

*Donde avvien che tutt’ ebro di vera gioia, cantate pr contralto
Sinfonia
« Donde avvien che tutt’ ebro di vera gioia » (récitatif)
« Nell’anglica sede vessillo di fede » (aria)
« Maria germe real del tronco estense » (récitatif)
« Frema l’Erebo adirato » (aria)
« Ma di fatti si, degni » (récitatif)
« Se nunzia fedel con tromba sonante » (aria)
Pollarolo

*La costanza gelosa negl’amori di Cefalo e Procri, dramma per musica (1688)
Acte 3: « Come allor che più densi (Mercurio)
Acte 3: « Son tanto avvezzo a piangere (Mercurio)
Moratelli

La Faretra smarrita, serenata (1690): « Lungi dai nostri cor » (Amore)

*Pièces jamais enregistrées

Jakub Józef Orliński, contre-ténor
Il Pomo d’Oro

Consultant musical : Yannis François
Producteur musical : Ken Yoshida

1 CD Erato
Durée: 82′ !!!
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