Comme dans certains jeux de portraits, on pourrait définir cet ouvrage par ce qu’il n’est pas : ni dictionnaire, ni encyclopédie, ni histoire (au sens chronologique et exhaustif du terme), ni initiation et encore moins somme érudite et définitive, ce que son format d’ailleurs lui interdit. En fait, ce serait plutôt, comme le titre de la collection qu’il initie le suggère, une table ouverte aussi bien aux néophytes curieux qu’aux aficionados, interdit peut-être aux lyricomanes pathologiques, à moins que ces derniers veuillent bien admettre qu’en abordant autant de sujets à la fois, on puisse être précis, relativement complet, mais pas exhaustif ou pointilliste. Sur la table, de quoi se composer un menu complet, mais à déguster à la mesure de son appétit, et dans l’ordre que l’on voudra. Saveurs de quelques pages, assez pour comprendre, suffisamment pour ne pas être dépassé ou lassé. Nul besoin de commencer par la première page, c’est un ouvrage que l’on peut garder à son chevet, ou près du lecteur de cd, car les occasions d’y revenir seront assurément nombreuses…
Mais comme à toute errance il est doux de savoir dans quel monde on s’aventure, tout commence par un survol historique sous forme de repères, parfois chronologiques, le plus souvent formels : Genèses (de Monteverdi à Mozart), Epanouissements (de Mozart à Debussy), Métamorphoses (de Debussy à nos jours). Dans chacune de ces trois parties, de courts articles, à la fin desquels deux ou trois œuvres sont plus finement abordées. Ainsi pour l’invention de l’opéra, Orfeo l’incontournable, et Calisto ; pour l’opera seria, Jules César de Haendel et Orlando furioso de Vivaldi. Enfin dans chacune de ces parties, ce sont parfois des compositeurs que l’on mettra en exergue : quatre ont la vedette, Mozart, Wagner, Verdi, Richard Strauss. On devine bien ce que le choix a de frustrant. Mais encore une fois l’exemplarité est recherchée, pas l’exhaustivité, et l’arbitraire est assumé. Harry Halbreich et Christian Merlin se partagent l’écriture du chapitre consacré à l’opéra contemporain, citant de nombreuses œuvres et osant quelques jugements que l’on pourra discuter, et deux opéras sont mis en exergue, Les Soldats de Zimmermann et Saint François d’Assise de Messiaen. Mieux encore, comme le cérémonial de l’opéra compte pour beaucoup dans son histoire, on prend le temps de visiter les Lieux de l’opéra, salles et festivals, avec un choix là encore forcément limité, dans lequel on trouvera par exemple pour la France : Garnier et le festival d’Aix-en-Provence. Vraiment limité.
Une fois les repères établis, le voyage lyrique continue à travers les Textes (sources, adaptations, librettistes, compositeurs-librettistes, problème de la traduction), les Voix (le bel canto, tessitures, jeu de scène, stars, virtuosité), les Réalités (décors, costumes, lumières, scénographie, direction d’opéra, techniques d’écriture), les Imaginaires (où l’opéra rejoint l’espace social et philosophique, l’opéra dans la cité, les publics, l’architecture…), et enfin les Ouvertures, « marronniers » de ces dernières années comme l’ouverture à tous les publics, la question du disque, le renouveau du baroque, l’opéra filmé, etc.). Et comme l’opéra n’est rien sans eux, suit un court dictionnaire des interprètes qui n’aborde hélas avec prudence que les chanteurs (et chanteuses) disparus ou ayant terminé leur carrière, et que l’on peut entendre en enregistrement ; un glossaire de base des termes spécifiques à l’opéra, une discographie de base mais qui ne mentionne que la date d’enregistrement, à charge pour le lecteur de trouver l’éditeur, alors que la vidéographie donne les références de dvd ; une bibliographie, utile à qui voudra approfondir, et un index complètent l’ouvrage.
On conseillera volontiers ce vade-mecum en initiation très accessible mais pas bêtifiante. Les arpenteurs obsessionnels de scènes lyriques n’y feront pas de grandes découvertes, mais pourront y trouver l’aide-mémoire de leurs rêves.
Sophie Roughol