Un enregistrement rare et précieux réalisé à l’occasion du centenaire de la naissance d’un grand compositeur brésilien, Claudio Santoro (1919-1989) par deux interprètes de son pays : le baryton Paulo Szot au timbre velouté et à la technique sans faille, et le superbe pianiste Nahim Marun. Ces mélodies ont été composées surtout dans les années 50 et 80 sur des textes de grands poètes brésiliens comme Vinicius de Morães, grand ami de Tom Jobim lors de l’émergence de la bossa nova, et le romancier de Bahia Jorge Amado (la mélodie de 1948, Não te digo adeus) ainsi que Alberto Costa e Silva, et Ary de Andrade. Des œuvres pour piano du compositeur sont intercalées entre ces mélodies.
Paulo Szot, a fait ses débuts en Europe à Marseille en 2004 dans Eugène Onéguine de Tchaikovski. Puis il chante Così Fan Tutte à plusieurs reprises à l’Opéra de Paris. En 2010 le Metropolitan Opera de New York l’engage pour sept saisons successives en particulier dans Carmen (2011), Manon de Massenet (2012) et dans Madame Butterfly (2019). Homme très cultivé et polyglotte, il a obtenu un Tony Award à Broadway en 2008 pour son interprétation du rôle du planteur français dans la comédie musicale South Pacific de Rodgers et Hammerstein, au Lincoln Center. Il a ainsi acquis au fil des ans une riche palette de couleurs et de styles qui lui permettent de s’adapter notamment au style plus populaire de certaines mélodies du compositeur brésilien.
Claudio Santoro est né à Manaus (Amazonie) en 1919, ville où il étudie avant partir à Rio de Janeiro. En 1947, il se perfectionne à Paris auprès de Nadia Boulanger. A son retour, il séjourne aux Etats-Unis et en Union Soviétique, où sont créées plusieurs de ses œuvres. En 1957 il est expulsé d’URSS suite à sa relation amoureuse avec sa traductrice (qui était aussi cantatrice semble-t-il). Il tente de la faire sortir du pays et c’est à Paris qu’il l’attend en vain. Il y lie amitié avec le célèbre poète de la Bossa Nova, Vinicius de Morães, alors consul du Brésil en France et met en musique plusieurs de ses poèmes dont les Canções populares & Canções de Amor, des chants d’amour qui évoquent surtout la séparation des amants. C’est son cycle le plus connu et Paulo Szot y est particulièrement émouvant. Dès le premier chant, Luar de meu bem, on est sous le charme. Il faut écouter aussi, par exemple, Bem pior que a morte (Bien pire que la mort), Jardim Noturno (Jardin Nocturne), le superbe A mais dolorosa história (L’Histoire la plus douloureuse) ou le bouleversant Não te digo adeus (Je ne te dis pas au revoir) sur un poème de Jorge Amado.
Paulo Szot est magnifiquement accompagné par Nahim Marun, que nous avons découvert en Europe grâce au CD Brasileiro de Nelson Freire avec qui il joue en duo. On comprend le choix de Freire quand on l’écoute interpréter, ici, en solo , entre les mélodies, des pages de Santoro aussi variées que sa Toccata et son Frevo de carnaval, son mélancolique Imitando a Chopin et enfin les tendres Paulistanas, véritable déclarations d’amour à São Paulo. Le dernier chant est un lied allemand sur le célèbre Wanderers Nachtlied de Goethe, dernière mélodie écrite par Santoro peu avant son décès, en 1989.
Deux CD disponibles sur toutes les plateformes numériques. Ils s’écoutent (avec un verre de cachaça à la main bien sûr! ), comme un long poème en hommage au Brésil, qui nous semble, ici, si proche. Il est doux de se laisser aller en compagnie d’interprètes aussi inspirés à une tendre et sensuelle saudade.