De sept ans le cadet de Mozart, également formé dans son Autriche natale, Johann Simon, Mayr laisse une œuvre considérable, tant par sa qualité que par son abondance, liée à sa longévité. Maintenant connue après être restée longtemps dans l’ombre, sa production lyrique, entre Paisiello et Rossini, lui valut un succès dans toute l’Europe. La gloire montante du second lui fit délaisser la scène pour l’église, tel Haendel à Londres. Maître de chapelle à Bergame, où il eut Donizetti pour élève, il nous lègue plusieurs centaines d’œuvres religieuses, inédites pour l’essentiel.
A la différence de Rome, le Miserere (psaume 51), avec accompagnement orchestral, participe de la tradition de Naples comme de celle de Venise. La bibliothèque du compositeur comportait ceux de Bertoni (son maître à Saint-Marc), Jomelli, Marcello, Naumann, Pergolèse et de l’abbé Vogler. Des nombreux Miserere laissés par Mayr, celui-ci, daté de 1803, l’année qui suit sa nomination à Bergame, est le seul qui illustre la totalité du texte du psalmiste.
Si ce Miserere fait appel à un orchestre modeste (cordes, deux hautbois, deux cors et orgue), son propos et son ampleur ne manquent pas d’ambition. La coupe des arias, leur variété, l’éventuel dialogue d’instruments solistes attestent sa maîtrise. Le tribut versé à Mozart est conséquent. Sans doute hommage délibéré davantage que plagiat ou manque d’inspiration, ici (« Asperges »), c’est l’air de Sarastro (« O Isis und Osiris ») que l’on reconnaît, là ce sont des échos de Don Giovanni. Les œuvres renvoient en effet directement à Mozart, à telle enseigne qu’une écoute distraite pourrait conduire à confondre les deux compositeurs. La superficialité mondaine de la musique d’église, conforme aux exigences du temps n’est pas moins présente que chez ses contemporains. C’est le plus souvent séduisant, à l’égal de la production des Haydn, Michael et Joseph, si cela nous paraît quelque peu futile au regard du texte et de la destination de l’œuvre. Mais la qualité de l’écriture vocale et instrumentale comme l’orchestration n’ont rien à envier à ces derniers : une maîtrise de l’harmonie et du contrepoint, une science de l’orchestre que l’on ne soupçonnait pas, digne des plus grands.
Il n’est pas de mouvement sans intérêt. La grâce – celle du 18e siècle, pas celle de la foi – y est quasi constante. La vie se renouvelle, les changements de tempo, de caractère, de voix font qu’à aucun moment, malgré l’ampleur de la partition, jamais la moindre lassitude ne se fait jour. « Sacrificium Deo » atteint une grandeur que n’aurait pas reniée Mozart, soutenant la comparaison avec le meilleur de sa production religieuse. Les séductions sont bien réelles du virtuose « Tibi soli peccavi », où les voix féminines rivalisent avec le hautbois. Les instruments concertants (le hautbois déjà signalé, de « Docebo », le violon et le violoncelle de « Averte faciem », le cor anglais et le cor de « Benigne fac »), contribuent à la couleur et à la vivacité du propos. La fugue conclusive du Miserere est un modèle d’écriture et de clarté, et justifierait à elle seule l’écoute de l’enregistrement.
Les Litanies présentent un moindre intérêt, plus convenues, desservies aussi par une image sonore de moindre qualité. Pourtant, les ensembles sont réussis, l’orchestration, avec basson solo, cors, flûtes, hautbois en est plus riche. Les énumérations – que le genre rend souvent fastidieuses – sont ici remarquablement variées, au point qu’on les oublierait presque. Le troisième et dernier volet (un bref Miserere) conclut de façon habile. Le rapprochement avec l’ample œuvre précédente ne joue pas en sa faveur, sinon qu’il permet de mesurer le chemin accompli et l’investissement accru du compositeur en l’espace de ces trois années.
Les solistes, jeunes, défendent ces œuvres avec conviction. Tous se situent à un haut niveau vocal et stylistique. On retiendra plus particulièrement le nom de Robert Sellier, ténor dont le « Docebo », comme le « Benigne fac »sont splendides. Les deux chœurs, celui dédié à Mayr (Simon Mayr Chorus) comme celui des membres de l’Opéra d’Etat de Bavière, y rayonnent également. Concerto de Bassus, que l’on découvre à cette occasion, est ductile, coloré, avec des solistes admirables (quels cors !) et s’y révèle une formation de premier plan. L’autre orchestre, I Virtuosi Italiani, paraît quelque peu en retrait. La direction de Franz Hauk, spécialiste de la musique de Mayr, chef de chœur dont les qualités rappellent celles de Philippe Herreweghe, mérite tous les éloges.
La prise de son donne tout son relief, toute sa profondeur à cette musique, au Miserere tout particulièrement, car le son des Litanies semble plus compact, avec davantage de réverbération.
Livret succinct en anglais et en allemand, avec les textes chantés en latin et leur traduction anglaise.