C’est au Josquin italien, dont le nom est d’ailleurs italianisé durant son séjour dans la péninsule, que ce disque de l’ensemble vocal Odhecaton, dirigé par le chef vénitien Paolo da Col et de quelques comparses de haute volée, rend hommage à l’occasion des 500 ans de la mort du génial compositeur de la Renaissance.
Josquin Desprez, dont la renommée était fort répandue, a en effet passé une dizaine d’année entre Milan et Rome (1484-1494) puis à Ferrare, auprès du duc Hercule d’Este (1503-1504). Sa Missa Hercules dux Ferrariae figure d’ailleurs comme il se doit en majesté dans cet album, dont il faut d’abord souligner la très grande qualité de la captation, à l’abbaye cistercienne de Santa Maria de Follina, près de Trévise. Mais si cette œuvre monumentale pour 4 voix, qui compte parmi les plus importantes réalisations de Josquin, est un morceau de choix de cette parution, il est loin d’être le seul. Pas moins de 5 motets, un Salve Regina s’y ajoutent, tous écrits pour 4, pour 5, pour 6 voire pour 12, en particulier lors du séjour à Ferrare où l’on sait que la chapelle ducale comptait vingt voix. L’ensemble vocal The Gesualdo Six renforce ainsi les quinze chanteurs d’Odhecaton dans 3 des motets et dans le Salve Regina.
Ils sont parfois rejoints par les deux chalemies et les deux trombones (un ténor et un basse) de l’ensemble La Pifarescha, notamment dans l’impressionnant motet Inviolata, integra e casta qui termine le disque, dans une version augmentée du même motet chanté à 5 voix un peu plus tôt. On compte également un petit interlude instrumental, rare chez Josquin, Fortuna d’un gran tempo, interprété par le luth, la ribeca et la harpe de l’ensemble Le Reverdie, et un autre, La Bernardina, interprété par La Pifarescha.
Tout au long de l’écoute de cet album magnifique, on est frappé par la clarté de la restitution, proprement saisissante, de l’écriture polyphonique de Josquin. D’une complexité inédite pour l’époque, elle est ici d’une profondeur irrésistible. Les voix, qui vont des basses jusqu’aux contre-ténors, sont idéalement spatialisées pour dessiner sans qu’on en perde une miette les arcs de ce monument d’orfèvrerie vocale. Pas un défaut ne vient frapper l’oreille à leur écoute. On est au contraire happé par ce voyage d’un autre temps qui nous paraît soudain si proche dans chacune des partitions proposées. Paolo da Col poursuit ainsi son objectif de restituer ces œuvres dans les conditions supposées de leur exécution aux XVe et XVIe siècles, résultat de recherches musicologiques et historiques auxquelles il a voué une grande partie de sa vie.
À noter enfin l’excellent livret de présentation signé de la musicologue Camilla Cavicchi, qui décrit avec précision et érudition les caractéristiques des œuvres proposées en les resituant dans leur contexte.
Parmi les nombreuses parutions, souvent réussies, à l’occasion de ce quinquacentenaire, ce disque fera très probablement date et ne peut être que chaleureusement recommandé.