Il y aura précisément cinq siècles, le 27 août 1521, à Condé-sur-l’Escaut, non loin de l’endroit qui l’avait vu naître au milieu du XVe siècle, disparaissait Josquin, prévôt de Notre-Dame. Aucun de ses prédécesseurs, y compris Machaut, n’aura connu une gloire aussi éclatante, et la référence que constitua son œuvre lui aura permis d’échapper à l’oubli dans lequel la plupart de ses contemporains sont tombés. Si les commémorations de cette année suscitent quelques enregistrements, les documents écrits en français demeurent particulièrement rares. Trois ouvrages « modernes » , seulement : celui de Jean-Pierre Ouvrard, irremplaçable, centré sur l’interprétation de son œuvre et de celle de ses contemporains (Actes Sud, 1986) ; celui d’Annie Coeurdevey (Josquin Desprez, de l’abstraction à l’expression, Cité de la Musique, 2011) ; enfin, celui de Jacques Barbier (Josquin Desprez, Bleu nuit, 2010), riche synthèse, la plus achevée publiée dans notre langue. L’éditeur, opportunément, la ressort cette année.
Ancien directeur du département de musique et musicologie de l’Université François Rabelais de Tours, Jacques Barbier est le spécialiste du répertoire franco-flamand, qu’il analyse, édite et dirige.
« Josquin fut l’un des principaux artisans de cette formidable révolution qui devait définir de nouveaux rapports entre le support littéraire et la musique » nous dit Philippe Herreweghe. C’est que son œuvre (messes, motets, chansons) est essentiellement vocale. Elle se constitue au fil d’une quarantaine d’années de production, et de ses itinérances et séjours, de la Picardie, Aix en Provence, Milan, Rome, la France, peut-être l’Espagne, Ferrare, à Condé-sur-l’Escaut. Pour autant, malgré leur richesse, leur variété et la maîtrise exceptionnelle de leur auteur, les œuvres de Josquin ne sont pas aussi connues qu’elles le méritent
L’ouvrage adopte le plan le plus classique pour permettre la lecture cursive de la biographie du compositeur, consacrant l’essentiel du propos à sa production, groupée par genres, étudiée avec soin et clarté. Une place importante est réservée à situer Josquin en son temps, et à décrire la diffusion et l’influence extraordinaire qu’exercèrent ses œuvres. Ouvrage de référence, cette étude se lit aisément, y compris par le non-spécialiste. Les exemples abondent, toujours bienvenus, pertinents.
Comme il se doit, un catalogue détaillé des pièces, une bibliographie conséquente et des index complètent opportunément cet ouvrage essentiel. La discographie sélective limitée aux parutions antérieures à 2009, sera aisément mise à jour à partir des sites spécialisés.
La rigueur le dispute à la clarté, et l’ouvrage s’adresse non seulement aux amateurs de musique ancienne, de polyphonie franco-flamande, mais aussi aux mélomanes souhaitant approfondir leur connaissance de cette période florissante de notre histoire musicale.