Et la captive captiva son auditoire ! Nous voilà gratifiés d’un superbe récital de la part de Florie Valiquette. Le thème retenu, celui de la turquerie, une des formes typiques de l’orientalisme européen des XVIe et XVIIIe siècles est le prétexte à une somptueuse programmation. Le fil rouge est assurément André Grétry et ses deux opus La Caravane du Caire ainsi que Zémire et Azor, qui ponctuent cet enregistrement. Ils nous permettent de redécouvrir la beauté de cette œuvre, notamment l’entraînante ariette « Ne suis-je pas aussi captive » de l’acte I de la Caravane ou la bien connue Danse générale de l’acte II. Le reste de la programmation fait le grand écart entre des opéras classiques du répertoire et des raretés. Mozart (L’Enlèvement au Sérail – chanté en français !) et Gluck côtoient ainsi les plus rares François-André Danican Philidor, Pierre-Alexandre Monsigny et Paul-César Gibert. C’est l’occasion de faire de belles découvertes, notamment « Oh, vous que Mars rend invincible » dans Soliman II ou les Trois Sultanes de Gibert, accompagné à la harpe.
Le livret accompagnateur prend tout à fait au sérieux la thématique abordée et propose quelques éclairages historiques bienvenus sur l’esclavage chrétien en méditerranée, ainsi qu’une présentation des œuvres abordées et une iconographie retraçant l’orientalisme en peinture aux XVIIIe et XIXe siècles. Cela permet de prendre une certaine distance par rapport au genre de la turquerie pour la réinscrire dans son contexte historique.
Florie Valiquette s’empare du répertoire abordé avec grand talent. Elle aborde avec une grande palette de registres l’ensemble des airs ; le désespoir, l’imploration ou l’adoration sont restitués avec égale beauté. La puissance se ressent extrêmement naturelle et le phrasé est d’une fluidité remarquable – sans sacrifier pour autant à la diction. En ouverture après un premier morceau orchestral, l’air de la Fauvette (Zémire et Azor), qui la trouve d’une belle agilité , donne le ton pour l’ensemble de ce CD ! La précision de ses aigus dans « Loin de l’objet de ma tendresse » parachève l’impression de virtuosité qui se dégage de cet opus. Les interventions de Nicholas Scott chez Mozart et Gluck sont de bonne facture également.
Gaétan Jarry offre une direction somptueuse par son amplitude et son éclat. Le CD est parsemé de morceaux instrumentaux, ce qui offre de très belles aérations et permet à l’Orchestre de l’Opéra Royal de montrer l’étendue de son talent.