Que la musique soit. Musique des mots, d’une écriture dont les lecteurs de Forum Opéra connaissent les sortilèges. Musique des idées, d’une pensée singulière nourrie de culture, abreuvée de références.
Mozart, Wagner, Verdi, parmi les plus familiers, et tant d’autres, musiciens ou pas, s’invitent dans La Musique souvent nous prend comme une mer, le nouvel essai de Sylvain Fort, aux côtés de quelques noms moins attendus : Sarah Vaughan, John Coltrane, Miles Davis… Le propos dépasse le cadre de la seule musique dite classique. Il ne s’agit pas de disserter sur la supériorité d’un genre, d’une époque, d’un compositeur, d’un interprète. Il s’agit de comprendre ce qui fait de la musique un art à part, en toute humilité. « Je n’ai aucune leçon de musique à donner », prévient Sylvain Fort.
Jean-Jacques Rousseau définissait la musique, comme « l’art de combiner les sons d’une manière agréable à l’oreille » – théorie liminaire enseignée en nos jeunes années que nos temps contemporains se sont employés à contredire. Amateur de paradoxes, Sylvain Fort préfère souligner son aptitude à faire silence, « comme une ultime question qui attendrait sa réponse dans l’Eternité ».
Il faut cheminer en compagnie de l’auteur, au fil de ses réflexions, au gré d’une promenade dont les différents angles d’observation servent de boussole et, chemin faisant, contempler sous un éclairage nouveau des paysages connus, découvrir des perspectives jusqu’alors ignorées, certaines vertigineuses. S’interroger. Comprendre. Réfléchir. La valeur d’un livre, ce qui fait son intérêt, se mesure à sa capacité de rendre le lecteur pensif.
Ce cheminement sur les sentiers de la musique ou plutôt cette navigation, ainsi que le titre de l’ouvrage le suggère, s’accompagne de multiples exemples sans lesquels toute lecture peut sembler difficile. Distractive, leur fonction est aussi instructive. Avions-nous jamais réalisé la promesse contenue dans les finales des opéras de Mozart (que nous avouons avoir souvent accueillies d’un bâillement distrait) ou la perversion avec laquelle Wagner précipita le crépuscule de nos dieux – « La subversion wagnérienne, sa révolution à lui, aura été de rendre « malade » la musique occidentale et de tirer génialement de cette pathologie (langueurs, longueurs, évanouissement, empoisonnement, effondrement…) toute la substance possible pour faire avancer encore davantage ce « ver invisible » dont il savait déjà notre civilisation passablement rongée. »
Ainsi la musique est. Voilà un livre des plus précieux car il n’est pas de ceux que l’on enfouit une fois lu dans l’hypogée de sa bibliothèque, mais de ceux que l’on offre à ses amis, mélomane ou pas, non sans avoir pris soin d’en conserver un exemplaire à portée de mains, car on sait qu’on le relira.