Contemporain de Bach, Graupner, qui officia à Darmstadt où la vie musicale était intense, nous laisse une œuvre abondante. Plus de deux mille partitions nous sont parvenues, miraculeusement sauvegardées à la faveur d’un litige sur sa propriété, opposant la famille régnante aux héritiers du compositeur. A l’égal de Telemann, il a composé 1418 cantates d’église. Qui dit mieux ?
Le présent enregistrement a en choisi trois, agrémentées d’une suite instrumentale. Sans que l’on puisse le confondre avec Telemann ou Bach, qu’il aurait remplacé à Leipzig si son employeur ne s’y était opposé, Graupner écrit en conformité avec l’air du temps, dans un style qui annonce parfois les classiques avec certaines tournures galantes, particulièrement dans l’écriture instrumentale.
Destinées le plus souvent à une basse renommée, transfuge de l’opéra de Hambourg, ces cantates font la part belle à la vocalité. Et le chant de Klaus Mertens est admirable dans son approche stylistique comme dans ses qualités propres. Il appartient à la lignée de ces grands (et humbles) barytons-basses du baroque germanique qu’illustrèrent les Adam, Stämpfli et autres. Ce n’est pas un hasard si Ton Koopman l’a choisi pour les cantates de Bach. L’émission est colorée, avec de beaux aigus jamais forcés et une chaleur du medium et du grave. La conduite de la ligne ne mérite que des éloges. L’articulation est exemplaire, et les récitatifs sont un modèle du genre : vivants, clairs, animés et lyriques. Chaque cantate comporte deux, voire trois arias, qui sont un plaisir renouvelé, car aucune n’est convenue. L’aria à ritournelle est rare : la variété d’invention interdit de soupçonner Graupner de s’être copié quelque peu ou d’avoir, avec un savoir-faire exceptionnel, reproduit des schémas conventionnels.
Son intérêt pour les bois est manifeste. Oboe da caccia et hautbois dialoguent avec le soliste, et la suite permet d’apprécier le chalumeau – au timbre de clarinette douce – proprement concertant. Le basson est associé à la basse continue qu’il colore avec bonheur, même s’il est permis de préférer le timbre du basson (français) à celui du fagott.
Accademia Daniel est une formation israélienne aguerrie au répertoire baroque. Elle a déjà signé un CD consacré aux cantates de la Passion de Telemann avec Klaus Mertens. Les musiciens ne méritent que des éloges, cependant, on regrette parfois n’avoir pas davantage de densité, car quatre cordes, même virtuoses, sont « condamnées » à une exécution chambriste, qui paraîtra parfois frêle. Pourquoi aussi n’avoir pas associé un chœur à l’unisson (Gemeinde) pour le chant des chorals ? La véracité et le relief y auraient gagné.