Le 31 janvier 2012, Philip Glass aura 75 ans, et ça se fête. A New York, le Met vient de reprendre de Satyagraha (voir brève), et l’on donnera bientôt à Montpellier Einstein on the Beach, preuve que la première trilogie opératique de Glass reste bien d’actualité. De son côté, Sony nous offre la quintessence de l’art de Philip Glass en rebrassant son fond de catalogue. On retrouve ici les différentes plages déjà réunies sur le CD paru en 1993 sous le même titre que le présent coffret, et celles qui figuraient dans la sélection enrichie proposée en deux CD en 1995, appelée « Best of Philip Glass ». Comme dans les années 1990, le compositeur a changé de maison de disques (Nonesuch a déjà produit en 2008 sa « Retrospective » Philip Glass en dix CD), le coffret proposé par la firme japonaise correspond à sa première période créatrice, dont elle permet un magnifique tour d’horizon. Unique exception : les extraits de la bande-son du film Naqoyqatsi, sorti en 2002, dernier élément de la trilogie de Godfrey Reggio dont les deux premiers volets avaient également été mis en musique par Glass. On regrettera simplement l’absence de tout livret d’accompagnement ; l’école répétitive et minimaliste aurait-elle fait des émules jusque dans les maisons de disques ?
Pour l’amateur d’opéra, le plus intéressant des trois disques est évidemment le dernier, hélas le plus court, qui reprend exactement la compilation parue en 1989 sous le titre Songs from the Trilogy. Depuis la fin des années 1980, la production lyrique de Philip Glass s’est fortement étoffée, avec une dizaine de grands opéras et autant d’opéras de chambre ; La Belle et la Bête fut donné à la Cité de la Musique en 2003, et on a tout récemment pu voir Les Enfants terribles à Bordeaux (voir brève). Ses trois premiers opéras restent malgré tout des références. En matière de voix, les deux premiers disques offrent surtout des passages pour chœur, comme le superbe extrait d’Itaipu, vibrant hommage à la majesté de la nature.
Si les fragments d’Einstein on the Beach sont plus parlés que chantés – le chœur répète inlassablement des chiffres, auxquels se superpose la voix des speakers –, les différents numéros tirés d’Akhnaten permettent d’entendre un soliste aussi prestigieux que l’irremplaçable Paul Esswood (un autre extrait de ce même opéra figure sur le CD 2 de ce coffret, mais on n’y entend pas le contre-ténor britannique). Le frottement de sa voix, habituée à servir le répertoire baroque sous la direction de Harnoncourt, avec celle de la mezzo Milagro Vargas, familière de la musique contemporaine, recrée le trouble hypnotique des duos de castrats. On sera peut-être moins sensible au timbre de l’interprète de Gandhi dans Satyagraha, le ténor Douglas Perry, dont la pureté vocale confine à parfois à l’inexpressivité, risque constant dans ce genre de musique, dont le côté lancinant devient vite fastidieux si les notes ne sont pas un tant soit peu habitées. Une parfaite introduction à l’oeuvre du compositeur. Bon anniversaire, Mr Glass !