La série des biographies Folio de Gallimard s’enrichit d’un nouveau volume consacré à George Gershwin, par le journaliste, auteur et amoureux de jazz, Franck Médioni. Un amour qui lui donne des ailes, mais qui l’aveugle parfois : certains aspects de l’ouvrage auraient en effet mérité plus d’attention.
Si ce livre regorge d’une magnifique énergie, il semble en effet avoir été écrit un peu vite. La lecture donne l’impression d’une suite d’anecdotes, d’informations et de citations juxtaposées sans qu’un propos fort vienne les sous-tendre. Au sein de cette mosaïque impressionniste, l’auteur se répète, ou cite les mêmes textes à plusieurs reprises. On en vient à ne pas comprendre la raison d’être de certains excursus, ou à douter du sens qu’il faut donner à une phrase, faute de transition ou d’articulation logique. Ainsi en est-il du chapitre sur le Concerto pour piano, où l’auteur interrompt étrangement son analyse pour remplir quelques pages avec des généralités plus ou moins pertinentes sur la musique de Gershwin. C’est le cas également de certaines citations mal introduites ou insuffisamment commentées, et dont le sens apparaît alors un peu obscur. En somme, ce melting-pot de témoignages des années 1920-1930 et de propos tenus par des musiciens actuels tourne en rond : si la forme n’est pas désagréable, on perd trop souvent de vue le fond de l’ouvrage.
Ce manque de structure ne prive pas pour autant l’ouvrage de quelques mérites. Certaines thématiques se trouvent ainsi bien illustrées : notamment, la façon dont Gershwin travaille, et surtout, la réception difficile de son œuvre, partagée dès l’origine entre un public en délire et une critique qui apparaît très réfractaire. Pas de révélations, mais une compilation assez fournie de propos, qui brosse un tableau intéressant de ces sujets. Surtout, Franck Médioni sait transmettre au lecteur son amour de la musique de Gershwin. Des « tubes » populaires aux petites pièces méconnues, des shows de Broadway aux Préludes, la plume passionnée de l’auteur travaille ainsi à lever tous les doutes que l’on pourrait formuler quant à l’importance ou à la qualité du compositeur. Le chapitre sur Porgy and Bess forme ainsi un passionnant dossier à même de rappeler, si besoin est, qu’il s’agit d’un opéra majeur du répertoire. Là comme ailleurs, l’ouvrage rassemble une belle collection de propos sur l’œuvre de Gershwin, qui permet d’approcher le contexte et les enjeux de chacune des compositions.
C’est au lecteur, en somme, de faire l’effort de la réflexion, et de se créer son propre Gershwin à partir de ces quelque deux cents pages qui lui offrent un mélange de souvenirs, d’impressions, de déclarations d’amour faites à cette musique, et d’éléments de contexte. On regrette ce goût d’inachevé : tant le sujet que le matériau disponible appelaient un meilleur traitement…