Avant-dernier opéra de Vaccai, aujourd’hui plus connu pour sa méthode de chant ou pour son Giulietta e Romeo dont la Malibran préférait le finale à celui composé par Bellini pour I Capuleti e i Montecchi, cette Fiancée de Messine connut l’un des sorts les moins enviables que puisse subir un opéra : après la première, seul son premier acte fut représenté, le lendemain, après quoi l’œuvre ne connut plus une seule représentation jusqu’à sa recréation moderne en 2009, au festival Rossini de Bad Wildbad. Ce fut apparemment une grande redécouverte : si le don mélodique de Vaccai était connu, cette exhumation permit aussi de prouver les qualités dramatiques du compositeur.
Le problème de ce genre d’entreprise est toujours de trouver des artistes prêts à apprendre des rôles qu’ils risquent de n’interpréter qu’une fois dans leur carrière. René Koering a réussi à convaincre Roberto Alagna de ressusciter le Fiesque de Lalo à Montpellier, mais c’est là l’exception qui confirme la règle. Et alors qu’il faudrait ici de grandes et belles voix pour tirer l’œuvre de son long sommeil, on n’a souvent droit qu’à de seconds couteaux, courageux mais peu gâtés par la nature, en l’occurrence un baryton chevrotant, plafonnant dans les aigus en Cesare, et un ténor nasal et pincé en Emanuele.
La voix d’Armando Ariostini est entachée d’un vibrato envahissant, qui donne à son personnage de jeune homme l’apparence d’un vieillard cacochyme. Dans les années 1980, il eut l’insigne honneur d’interpréter de petits rôles dans Le Voyage à Reims et dans Carmen sous la baguette de Claudio Abbado, mais sa carrière n’a pas pris le tour que ce début pouvait laisser augurer. Plus jeune d’une génération, Filippo Adami a le mérité de chanter des œuvres rares où peu de ses confrères s’aventurent, ce qui lui a déjà valu les honneurs du DVD pour deux opéras de Galuppi, L’Olimpiade et L’Inimico delle Donne et pour le Giasone de Cavalli. Son timbre est néanmoins assez déplaisant, même s’il assure toutes les notes d’un rôle exigeant.
La vocalité de Carolina Ungher, créatrice de La Straniera de Bellini et de Parisina de Donizetti, et pour qui Vaccai écrivit le rôle de la princesse Isabella, était-elle vraiment celle d’une Reine de la Nuit, personnage dans lequel s’est illustrée Jessica Pratt ? La soprano britannique interprète néanmoins son rôle avec une belle assurance et convainc par le dramatisme de ses intonations, notamment dans la superbe scène dans laquelle Isabella découvre le cadavre de son fils. La mezzo japonaise Wakako Ono est une seconda donna à la voix un peu opaque, un peu droite ; rien d’infamant, et le timbre se marie de façon tout à fait acceptable avec celui de l’autre personnage féminin, mais sans pouvoir nullement constituer une « rivale » pour la princesse, dont l’identité vocale est autrement plus affirmée et à qui est confiée une scène intensément dramatique en conclusion de l’œuvre. Ce disque aura malgré tout rempli son rôle s’il pousse des directeurs de théâtre à vouloir monter l’une des opéras oubliés de Vaccai.
Sur Qobuz :
La sposa di Messina (Intégrale) | Nicola Vaccaj par Antonino Fogliani