Avec L’Anti-Wagner sans peine, Pierre-René Serna jette un pavé dans la mare des célébrations qui ne manqueront pas d’accompagner le bicentenaire de la naissance du maître de Bayreuth.
Là où d’autres, pour déboulonner la statue de son socle, auraient développé une thèse, le journaliste et musicographe utilise la forme du lexique. Vif, impertinent, amusant et bref, son ouvrage se présente comme un antonyme du dictionnaire amoureux. Enoncer la quarantaine d’entrées, classées par ordre alphabétique, qui le composent suffit à prendre la mesure de l’incrimination. « Antisémitisme », « boursouflure », « fanatisme », « fatras », « hypnose », « monotonie », « vociférations » sont quelques-uns des chefs d’accusation balancés par Serna à la face des wagnerolatres.
On n’explicitera aucun des arguments avancés pour ne pas déflorer le plaisir du lecteur. Certains évidemment sont plus convaincants que d’autres. On regrettera simplement que la question de l’antisémitisme revienne sans cesse comme un de ces leitmotivs que condamne par ailleurs l’auteur. Pas moins d’une dizaine d’entrées entretiennent la polémique. A trop embrasser, on finit par mal étreindre, surtout sur un sujet aussi sensible. Utiliser la physionomie de Richard Wagner – sa petite taille, sa grosse tête, sa silhouette rabougrie – comme la preuve de son origine juive, ne fait qu’apporter de l’eau au moulin des thèses racistes.
Afin de désarmer ses opposants et de couper court à toute indignation, Pierre-René Serna reconnait en avant-propos « un brin de parti pris et un grain de mauvaise foi ». Inutile de nous avertir. Hector Berlioz, invoqué plusieurs fois pour conjurer les mânes de Wagner de la même manière qu’on brandit un crucifix dans la demeure d’un vampire, nous avait mis la puce à l’oreille. Le musicographe lui a consacré en 2006 un dictionnaire, amoureux cette fois (Berlioz de B à Z aux éditions Van de Velde). Voilà pour le parti-pris. Quant à la mauvaise foi, on l’accueille avec un sourire lorsque l’auteur, énumérant les passages des opéras de Wagner qui échappent à sa vindicte, mentionne du bout des lèvres le duo de Tristan, mais lui accole entre parenthèses l’adjectif « longuet ».