Quand une star comme Pavarotti disparaît, fleurissent aussitôt des produits étranges, qui se veulent hommages passionnés et laissent pourtant filtrer des arrière-bruits de tiroir-caisse gênants : « Pavarotti forever » en est l’archétype, et l’on est prête à parier son Rigoletto de 1982 – auquel on tient pourtant comme à la prunelle de ses yeux – qu’en tout état de cause, le produit n’est absolument pas fait pour ceux et celles – nombreux – qui liront ces lignes. Ce n’est pas que Luciano démérite, malgré quelques faiblesses passagères : chanter comme il le fait « E lucevan le stelle » à Central Park en tétanisant une foule délirante et en troublant à ce point celle qui regarde le DVD, faut le faire ! Et ce « Vesti la giubba », à Hyde Park ! En fait, on a là tout ce qui fait qu’on aime Pavarotti, de quoi se plaint-on ? La diction, d’un naturel confondant, qui n’affecte jamais le timbre quel que soit le registre, ce timbre justement, si homogène, si riche et miroitant de lumières, la ligne de chant, toujours – presque toujours- tenue, même dans ces extraits énervants de brièveté. Et cette tenue en scène, cette immobilité massive et pourtant si expressive, ce regard, cette concentration, qui lui font camper instantanément un personnage, un contexte, dans l’instant court qui lui est donné. Et ce mélange de genres et de répertoires, qu’un autre grand, Alagna, revendique avec la même justesse… Et les salles, stades et parcs combles, public en jean ou en smoking mais pareillement étourdi comme lucioles devant un fanal…Et la nappe blanche … On a tout, mais aussi le reste : des prises de son parfois catastrophiques (le MET !), des décors de scènes d’une horreur kitsch sublime, un manque de livret scandaleux et une édition à l’emporte-pièce.
Allons, je vais probablement perdre mon Rigoletto, et vais vous donner deux raisons fondamentales d’acheter ce dvd : soit vous avez vécu depuis trente ans – que dis-je, il en faudrait quarante – dans une île tel Robinson et n’avez jamais entendu parler de Pavarotti, soit vous avez tout de lui, il ne vous manque que ce fleuron à votre collection, précipitez-vous. Dans tous les autres cas, prière au lecteur de se précipiter sur : Rigoletto (je radote) – Scala – Chailly – Ponnelle (Universal) de 1982 en DVD, et malgré le play-back ; Aïda – Scala – Ronconi de 1985 (DVD Arthaus) ; La Bohème avec Freni en 1989 ( DVD Arthaus). Pour ne parler que de DVD. Et s’il vous faut un récital, pas de DVD, mais un disque : le pot-pourri d’Arie antiche du Teatro Comunale de Bologne, 1973 (encore Universal).
Sophie Roughol