Le théâtre du Peuple, à l’occasion de ses 120 ans, programme L’Opéra de quat’sous. Fondé en 1895 par Maurice Pottecher, il est surtout connu sur le plan local, mais attire aussi un public plus large. Cet anniversaire était donc également l’occasion idéale de publier un ouvrage, réalisé par les universitaires Bénédicte Boisson et Marion Denizot. Ce livre présente très en détail l’histoire du théâtre, autour de Maurice Pottecher, puis de Pierre-Richard Wilm qui a su assurer la transition et a permis ainsi de perpétuer le projet initial. C’est d’autant plus intéressant que ce théâtre populaire précurseur et hors normes est un peu méconnu comparé à l’œuvre de Gémier et autres Antoine.
L’exceptionnelle architecture de bois du lieu est détaillée, ainsi que son évolution et sa préservation. Le projet social local est bien expliqué, ainsi que les choix esthétiques de répertoire et de décors. On comprend ainsi l’intérêt que représentait et représente toujours ce théâtre pour le public de proximité, pour lequel il constituait l’unique pôle culturel accessible. L’évolution après la mort de Maurice Pottecher, dans la seconde moitié du XXe siècle, est également soigneusement analysée, et montre qu’en termes de troupe et de gouvernance, les choses n’ont pas été simples. L’évolution de la programmation y est détaillée dans une chronologie comportant la liste des œuvres représentées. Mais jamais une œuvre lyrique n’y avait été donnée jusqu’à aujourd’hui, ce qui est paradoxal eu égard à l’exceptionnelle acoustique du lieu.
En revanche, l’ouvrage ne parle pas des autres théâtres populaires du même genre en Europe à la même époque, souvent beaucoup plus anciens, et volontiers associés aux représentations de la Passion, qui ont vu souvent au XXe siècle, de la même manière, leur répertoire se diversifier.
Malgré quelques affirmations péremptoires surprenantes [du genre à la p. 87 : « c’était le jeu des acteurs qu’on trouve maintenant un peu surfait, Pierre Fresnay, Louis Jouvet ». Louis Jouvet, surfait ? ], le livre est intéressant, et ravira les amateurs de théâtre par la foule de renseignements et de documents iconographiques inédits qu’il apporte. Mais certainement aurait-il été intéressant de resserrer un peu le propos (on trouve souvent des répétitions ou des longueurs évitables), surtout pour diminuer le coût de l’ouvrage, un peu trop élevé pour les spectateurs habitués de ce lieu, par rapport au prix des places (entre 8 et 24 Euros).