Bruno Monsaigeon n’en est pourtant pas à ses premières armes. Renato Capecchi, Barbara Hendricks, Nicolas Rivenq, pour ne citer que des artistes lyriques, sont passés devant ses caméras, pour des portraits-documentaires. En 1999, la « Passion de Julia » mettait en scène Julia Varady, avant un récital accompagné par Viktoria Postnikova. Depuis, Julia Varady a mis un point final à sa carrière et se consacre à l’enseignement, au passage du flambeau, comme l’indique le sous-titre du film diffusé sur Arte l’automne dernier et qui sort aujourd’hui en DVD. Il comprend deux parties : la première est un film d’un peu moins d’une heure ; la seconde est l’enregistrement sans coupure d’un extrait de la masterclass d’un peu moins de deux heures.
Le film… il faut le dire vite, tant sa composition est simple, avec une alternance d’extraits des leçons de chants, données en 2007 dans le confort douillet de la maison de M. et Mme Fischer-Dieskau (Dietrich n’apporte tout de même pas le café aux élèves…), de brefs commentaires de Julia Varady (avec en guise de scoop : « oui, j’ai pensé plusieurs fois retourner sur la scène qui me manque ») et de quelques bouts d’airs tirés d’un des concerts berlinois de la soprano, donné avec Monsieur à la baguette.
Quant à la masterclass, on y voit six élèves, sopranos ou mezzos, tenter de donner le meilleur d’elles-mêmes et boire les paroles de la « maestra ». Celle-ci – et c’est le seul intérêt du film – donne quelques conseils techniques dont tous les chanteurs amateurs feront leur miel : il est passionnant d’entendre la soprano dramatique reprendre un passage après l’élève – parfois avec elle, en la couvrant – et, tout de suite, faire ressortir la lumière de la voix, par une meilleure position, une meilleure technique tout simplement. Ceux qui n’ont jamais pris de leçon de chant découvriront aussi le vocabulaire très particulier de ces moments où les premières qualités des enseignants doivent être l’écoute et, aussi, la capacité d’expliquer l’inexplicable avec des termes complètement ésotériques (« plus haut, plus ouvert, la colonne ! la coupole !…). Varady ne fait pas montre que de sa technique, mais aussi et surtout de sa musicalité, les deux étant évidemment liées : elle encourage ainsi son élève, à la fin de « Stella del marinar » de Gioconda, à préférer la voix mixte, par souci d’expressivité, en lui montrant l’exemple avec une maîtrise absolue. Autant que l’on puisse en juger, la voix de Julia Varady est du reste dans un état superbe et on se prend même à rêver en repensant à ses Abigaille ou à ses rôles straussiens…
Le DVD est donc un témoignage intéressant, surtout pour ceux que le chant passionne et qui, en quelque sorte, voudraient profiter d’une leçon particulière à prix raisonnable (moins de 25 euros).
On ne peut toutefois que regretter – et c’est ce qui limite la note attribuée – l’absence d’approfondissement dans la démarche. On aimerait entendre Julia Varady sur son propre apprentissage du chant, sur ses rapports avec ses maîtres… et maintenant avec ses élèves, sur l’évolution de l’enseignement de la musique… pour ne se concentrer que sur ces sujets pédagogiques. C’est tout de même râlant de ne pas utiliser ces occasions là pour tirer de ces entretiens avec ces monstres sacrés du chant du XXe siècle des leçons plus fondamentales ! Une occasion ratée, en somme, ce qui n’enlève rien à la belle personnalité et à la dimension hors du commun de la grande Julia.
Jean-Philippe THIELLAY
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