Psychologue de formation, Jean-Pierre Vidit préside depuis 2013 le Cercle lyrique de Metz. Je est un autre, dirait Rimbaud. Cette double casquette motive un ouvrage sur la personnalité de Jacques Offenbach décryptée à travers Les Contes d’Hoffmann.
Faut-il rappeler la genèse douloureuse d’une partition que le compositeur laissera inachevée, source inlassable d’études et de supputations musicologiques ? Là n’est pas le propos de Jean-Pierre Vidit. De musique, il est en fait peu question dans cet essai découpé en deux parties distinctes, la première axée sur Offenbach, la deuxième sur son ultime chef- d’œuvre, l’un et l’autre couchés sur un divan matelassé de multiples références.
La préface de Jean-Claude Yon a valeur d’adoubement et d’avertissement. A propos des thèses développés par Jean-Pierre Vidit, l’auteur de la biographie consacrée d’Offenbach* prévient : « Chacun pourra y adhérer ou non, mais tout lecteur de bonne foi ne pourra qu’être redevable à Jean-Pierre Vidit pour la façon dont il s’empare de l’opéra, en en révélant les ressorts secrets et ce qu’on pourrait appeler avec un peu de pédantisme les multiples sous-textes ».
Un homme averti en valant deux, on ne s’étonnera pas d’analyses qui peuvent sinon dérouter. Si la comparaison entre Offenbach et Hoffmann ou Mozart s’impose, l’analogie avec Freddie Mercury est moins attendue. « Barcelona », le dernier hit du leader de Queen chanté en duo avec Montserrat Caballe, et Les Contes d’Hoffmann, même fatum ?
Autre correspondance tout aussi déconcertante : Ulysse. Le périple homérien du roi d’Ithaque dura vingt années ; vingt-trois ans séparent Orphée aux Enfers des Contes d’Hoffmann. Les chiffres ne tombent pas juste mais qu’importe, Jean-Pierre Vidit creuse la métaphore à la tarière en une démonstration longuement développée, où l’exigence d’Isaac Offenbach rejoint celle de Zeus. Le père rode, l’Œdipe n’est pas loin.
Dans cette exploration profonde de la psyché offenbachienne, aucune piste n’est écartée, fût-elle involontaire. Tout signifie, jusqu’aux jeux de mot. « Off’n Bach » ou « Off and back » ? Les deux homophonies s’avèrent sources d’enseignements mais la seconde offre plus à prospecter. C’est fou ce que l’on découvre à travers l’antonymie des postpositions anglaises « off » et « back ». Stella : trois femmes dans la même femme, confie Hoffmann dans le prologue des Contes. Offenbach : deux hommes dans le même homme, pourrait-on écrire en résumé.
De quoi finalement être « ébahi par la façon dont Jean-Pierre Vidit a puisé dans son savoir scientifique et sa sensibilité de mélomane pour éclairer l’homme et l’œuvre », comme le promet Jean-Claude Yon ? Ebahi oui, assurément ; convaincu, pas forcément.
* Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach (Collection NRF Biographies, Gallimard, 2000 – nouvelle édition 2010)