Entre les festivals et les scènes permanentes, jamais les ouvrages lyriques de Haendel n’ont connu une telle diffusion, particulièrement dans notre pays. Or, en dehors des CD et des DVD, l’édition n’a pas suivi. Rares sont les publications nouvelles, à part les numéros de l’Avant-Scène Opéra, auxquels a participé l’auteur. Voilà la première raison de saluer la parution de ce « vade-macum » qu’Olivier Rouvière consacre aux opéras du cher Saxon. Les enregistrements des quarante ouvrages sont maintenant accessibles. Ces derniers figurent en bonne place dans les Mille et un opéras, de Piotr Kaminski, incontournable référence des passionnés depuis sa publication, en 2003. On pouvait donc redouter que cette synthèse soit redondante. Or, il n’en est rien. Non seulement chaque ouvrage fait l’objet d’une fiche descriptive de très bonne tenue, mais surtout, l’ensemble est placé sous le signe de la cohérence et de la mise en relation. Cette approche renouvelée des opéras de Haendel répond à un réel besoin, et en facilitera la découverte comme l’approfondissement pour bien des lecteurs.
La première partie examine les conditions de la production théâtrale de Haendel (livrets, interprètes etc.). Elle traduit la longue fréquentation et la connaissance intime que l’auteur entretient à cette œuvre considérable, essentielle. Ce qu’il appelle, avec modestie, « généralités » relève d’une analyse fine, richement documentée, de toutes les facettes de cet important corpus, couvrant plus de trente cinq ans de production lyrique. Tout est passé en revue, les livrets et leurs auteurs, les interprètes, les emprunts, les pasticci, les techniques d’écriture, le traitement instrumental … Le lecteur découvrira combien l’humour fait partie de la personnalité de Haendel et gouverne tant de passages. La relation complexe, allant jusqu’au rapport de force, entre chanteurs et compositeur est soigneusement décryptée. Chaque interprète majeur fait ainsi l’objet d’une fiche riche et concise. Les anecdotes, chargées de sens, émaillent ici et là un texte riche.
La seconde partie présente les opéras, l’un après l’autre, au fil de la chronologie, de préférence au classement par genre, par périodes cohérentes, ce qui en facilite l’approche. Cette démarche permet de les contextualiser de façon claire, de la biographie du compositeur aux conditions de leur création. Ainsi, les évolutions sont-elles soigneusement peintes au fil des huit périodes.
La lecture, toujours passionnante, peut s’effectuer d’une traite, certes. Mais là n’est pas l’objet de ce vade-mecum : il répond ponctuellement à toutes les questions que peut se poser l’auditeur ou le lecteur. La consultation en est facilitée par la présence bienvenue et discrète, en marge, des périodes et des titres des opéras traités, facilitant la recherche, sans devoir recourir à la table des matières. Le livre est illustré d’une dizaine de photos pertinentes et peu communes.
Une riche discographie sélective, une bibliographie utile, limitée aux ouvrages essentiels et accessibles, sont renvoyées en fin de volume. Certes, on pourra regretter que ne figurent pas dans ce vade-mecum les éditions monumentales récentes comme les usuelles, les sites où trouver les livrets et leurs traductions, un index des noms, des œuvres et des airs cités. Mais peut-on davantage transmettre, avec clarté, en 360 pages ? « Je crois sincèrement que plus on en sait sur un objet, plus on a de raisons de l’aimer ; et j’avoue ne pas souscrire à la mode actuelle qui veut que, pour le faire aimer aux autres, il faille affecter d’en ignorer tout et s’éloigner autant que possible des motivations de son créateur. » Plus encore que sa passion, l’auteur nous communique ici les clés de la compréhension de l’art de Haendel. Appelé à prendre place parmi les ouvrages de référence de tout amateur, ce guide pratique, d’une incroyable richesse, d’une présentation attrayante et sobre, accompagnera longtemps le lecteur.