Des compilations inspirées par Louis XIV ou par le grand siècle, l’industrie du disque en a déjà produit plusieurs. Et comme 2015 marque le tricentenaire de la mort du Roi-Soleil, il faut s’attendre cette année à manger du Louis XIV à tous les repas (les commémorations ne font que commencer et dureront jusqu’en février 2016). Il est donc logique que le label Alpha y aille de son coffret, qu’il nous appartient maintenant de situer face à la concurrence.
A titre de comparaison, Naïve avait publié en 2009, avec le même portrait du monarqueen couverture, Les Musiques de Louis XIV, du ballet à l’opéra, réunissant sur un CD des extraits de tragédies lyriques de Lully, de Desmarest et de Clérambault, ainsi que des pièces de Charpentier, François Couperin et Robert de Visée, et Les Musiques de Louis XIV, du salon à l’église, avec extraits du Te Deum et de quelques pièces sacrées de Charpentier, mais aussi du Marin Marais, du Brossard et du Robert de Visée encore. En 2011, le label récidivait avec un coffret de trois disques intitulé Louis XIV : Musique à Versailles au temps du Roi Soleil, preuve qu’il y a la un filon à exploiter.
Sur deux de ses trois CD, Alpha a choisi de privilégier un nombre plus restreint de compositeurs. Sur le premier disque, les Te Deum de Charpentier et de Lully figurent en entier, dans la version la plus récente de la discographie, sortie en 2013. Enregistrées dans la chapelle royale de Versailles, sous la direction de Vincent Dumestre, ces pièces sont interprétées avec un allant qui devrait définitivement arracher Charpentier à la pompe lourdingue des cérémonies jadis retransmises par l’ORTF, Le Poème Harmonique et la Capella Cracoviensis se montrant aussi convaincants dans leur ferveur chrétienne que dans la liesse monarchiste.
A l’allégresse quasi-profane de ces louanges pourtant adressées à Dieu, le second volet du coffret préfère l’austère pompe sacrée des motets d’Henry Du Mont : un « Dialogus de anima », « Ecce iste venit », et deux psaumes mis en musique par celui qui fut maître de la Chapelle royale de 1663 jusqu’à sa retraite en 1782, deux ans avant sa mort. Ces pièces furent écrites non pour Versailles mais pour le Louvre ou pour les autres résidences du roi. Le disque ici réédité date de 2004 ; Frédéric Desenclos, depuis l’orgue, y dirigeait son ensemble Pierre Robert et l’on retrouve parmi les chanteurs quelques noms qui se sont depuis fait mieux connaître : la basse Marc Labonnette, le ténor Robert Getchell et la haute-contre Marcel Beekman.
Quant au troisième disque, d’abord paru sous le titre Versailles l’île enchantée, il n’aborde que très indirectement la tragédie lyrique, genre finalement très sous-représenté (la chaconne finale d’Amadis est la seule plage qui s’y rattache, avec la passacaille d’Armide arrangée pour deux clavecins), et c’est là le principal reproche qu’on pourra adresser à ce coffret. Entre deux pièces instrumentales de Danglebert, Couperin ou Chambonnières, on y chante, certes, mais principalement des airs de cour. On y entend des extraits des comédies-ballets nées de la collaboration entre Molière et Lully (Psyché, Le Bourgeois gentilhomme), mais Quinault brille par son absence. Le seul extrait d’œuvre scénique entièrement chantée est ici « Mes yeux », tiré de L’Europe galante, qui est un opéra-ballet et non une tragédie lyrique. C’est dommage, même si Guillemette Laurens est une extraordinaire interprète de Michel Lambert, dont les airs sont deux sommets du disque. Cet enregistrement est le plus ancien des trois ici réunis, puisque Skip Sempé l’a gravé en 2001 avec son Capriccio stravagante. A noter qu’en 2013, lors du lancement de sa collection « Versailles », Alpha avait déjà puisé dans ce disque, et dans plusieurs autres, afin de composer une compilation intitulée Musiques de cour et d’opéra pour Louis XIV.